Le fantôme farceur
Jodd était un gentil fantôme, qui n’aimait pas faire peur aux gens. Par contre, il aimait bien faire des farces, et ses victimes préférées étaient ses confrères, les autres revenants. Il avait à son actif une ribambelle de blagues, plus cocasses les unes que les autres. Il avait commencé très tôt, quand il était tout petit.
Il avait piégé sa voisine, Madame Voile Blanche, qui habitait la chambre noire juste à côté. Elle avait pour habitude de hanter les lieux à minuit précise, et se faisait un point d’honneur d’être toujours à l’heure. Elle s’aidait maintenant d’un réveil car, l’âge venant, elle avait tendance à somnoler quand arrivait son heure.
Le petit Jodd ne trouva rien de mieux que de lui dérégler son réveil, si bien que celui-ci se mettait à sonner à quatre heures du matin. Au début, Madame Voile Blanche ne remarqua rien : la sonnerie avait retenti, il faisait nuit, elle y alla.
Mais quand Jodd régla l’heure à huit heures le matin, alors là, elle se douta que quelque chose ne tournait pas rond. Fichtre ! Depuis quand faisait-il jour à minuit ?
Elle réalisa avec horreur que la nuit était passée et qu’elle avait raté sa sortie de minuit… Oh la la, mais qu’allait-on penser ? Que la chambre n’était plus hantée, que son fantôme l’avait abandonné ? Oh non, quelle misère, elle ne voulait pas ça.
Pendant ce temps, Jodd, lui, riait bien. Sacrée voisine, ce n’était plus Madame Voile Blanche, mais Madame Nuit Blanche, qu’il fallait maintenant l’appeler, car avec son réveil défaillant, elle n’était pas prête de s’endormir la nuit venant !
Une autre fois, il piégea Nonor, un fantôme de l’étage qui, chaque nuit, s’évertuait à tout déménager les meubles, histoire de faire beaucoup de bruit terrifiant.
Jodd, devenu grand, prépara son coup. Il installa discrètement dans un coin une chaîne stéréo, dont il cala le volume au maximum. Juste avant que Nonor ne se mette au travail, il déclencha la musique à fond, ce qui fit un tonnerre épouvantable.
Le pauvre Nonor, qui ne s’attendait pas du tout à un tel vacarme, en fut renversé. Quel choc ! Le pauvre tremblait de toutes ses vapeurs, et, s’il n’avait pas été un fantôme, on eut dit qu’il avait vu un revenant !
Il fut depuis allergique au bruit, et ne fit peur plus que par ses déplacements silencieux.
Enfin, quelque temps plus tard, Jodd voulut faire une farce à Superfantomus, un grand fantôme qui se croyait le plus terrifiant de tous. C’était vrai qu’il faisait de terribles grimaces, très effrayantes, et payantes à en voir la tête des pauvres vivants, qui repartaient les cheveux hérissés, les yeux exorbités, la bouche horrifiée…
Jodd décida de les tester sur Superfantomus lui-même. Il prépara un grand miroir et se plaça à côté de l’entrée. Quand un humain entra, et que Superfantomus se précipita sur lui pour lui faire peur, Jodd présenta le miroir, bien caché derrière.
Superfantomus découvrit alors son image dans la glace, sans penser que c’était la sienne : il en fut terrifié ! Mais quel était ce monstre menaçant et si effrayant ? Quelle horreur, il n’avait pas le courage d’affronter cela… Quoi ? Mais qu’était-il en train de dire, lui, Superfantomus, le plus téméraire de tous les fantômes ?
Alors, il retourna bravement dans l’entrée, en affichant un air mauvais. Mais là, le même scénario se reproduisit. Cet être était vraiment trop immonde, il ne pouvait le voir sans trembler, tant il lui faisait peur !
Quel monstre ! A-t-on vu ailleurs pareille créature dénaturée? Superfantomus se retira alors dans un tout petit placard, qu’il se contenta de hanter pendant des lustres…
Jodd lui avait fait une bonne blague. Dommage que Superfantomus ne se soit pas rendu compte que c’était simplement de lui-même qu’il avait eu peur...
FIN