Les revenants
Les histoires de fantômes, de spectres et de revenants ne datent pas d'hier. Depuis aussi longtemps que la mémoire des hommes puisse se souvenir, les histoires d'apparitions d'esprits des gens morts sont rencontrés dans chaque coin du monde et les meilleures histoires de fantômes et de maisons hantées. Plusieurs relatent même des apparitions de fantômes d'animaux. Le plus grand mystère de la vie étant sans nul doute la mort, les appartitions d'outre-tombes resterons sujets d'actualités encore bien longtemps. Cette section vous permet de découvrir certains cas d'apparitions et d'histoires de fantômes devenues populaires.

Histoire de revenants
Autrefois les revenants abondaient dans le pays ; du moins tout le monde prétendait en avoir vu. Il y en avait des blancs, des rouges, des noirs et de toutes les couleurs. Des revenants qu’on avait vus dans des maisons habitées ou désertes, le long du grand chemin, dans la plaine, sur la colline, sur la lisière des bois, dans les airs du temps ; des revenants par-ci par-là, et un peu partout.
Brrr... J’en tremble encore au souvenir de toutes ces histoires macabres qui avaient cours dans ces temps-là et que l’on se racontait surtout les soirs au coin de l’âtre. Les plus âgés même en étaient affectés, et quant aux enfants on les avait rendus tellement nerveux, qu’ils n’osaient plus mettre le nez à la porte de la maison, après le coucher du soleil.
Ces revenants se montraient le plus souvent revêtus d’un grand manteau ou drap blanc, qui leur enveloppait toute la figure, à l’exception de deux grands yeux flamboyants qui jetaient la terreur dans l’âme de tous ceux qu’ils regardaient.

C’était parfois, disait-on, des âmes du Purgatoire qui revenaient ainsi sur la terre pour demander des prières, afin d’être délivrées plus tôt de leurs souffrances, ou bien qui étaient obligées de venir expier leurs péchés dans les lieux mêmes où elles les avaient commis.
D’autre part, la légende voulait qu’il y eût des damnés, surtout ceux qui s’étaient perdus par les plaisirs de la danse, qui fussent obligés de s’assembler par temps dans certains lieux solitaires pour y danser des rondes macabres, aux sons d’un violon qui n’était autre qu’un squelette, sur lequel le démon râclait un ossement en guise d’archet.
Pour réduire les enfants à l’obéissance, on leur disait que s’ils ne faisaient pas leur devoir la grande dame blanche qu’on voyait sur la colline viendrait les chercher quelque bon jour. Ou bien que ce serait des Anglais qui, arrivant à la sourdine, leur couperaient les oreilles pour en faire de la boitte à poisson. Ou encore, que les sauvages qu’on voyait passer de temps à autre, les emporteraient dans leurs paniers pour les jeter dans la rivière.
Il va sans dire qu’avec ces menaces et toutes ces histoires de fantômes et de revenants, on avait fini par rendre la jeunesse d’alors on ne peut plus timide et des plus peureuses.
Ajoutez à cela que nous avions dans ces temps-là des conteurs de contes de profession, qui ne manquaient pas de renchérir sur toutes les histoires qui avaient cours dans le pays.
Espèce de troubadours ambulants, ils passaient les villages à certaines époques de l’année, surtout après l’achèvement des travaux d’automne, et ils étaient bien reçus partout chez nos habitants, qui leur donnaient le gîte et pension pour le plaisir de les entendre raconter leurs récits merveilleux.
A part la pension ils ne manquaient pas de faire une bonne provision de menue monnaie qu’on leur donnait toujours en forme de quête après la veillée.

L’arrivée de l’un de ces conteurs de contes dans un village était tout un événement. La jeunesse en foule allait à sa rencontre pour le conduire jusqu’à sa maison de pension.
– Batiste, où allez-vous loger ce soir ?
– Chez Pierre à p’tit Jean, mes enfants !
– Avez-vous des contes nouveaux, cette année ?...
– Oui, oui, mes enfants, des nouveaux et des beaux.
– Comment les appelez-vous ?
– Eh bien, c’est le conte de la « Lampe merveilleuse », celui du « Grand Géant », « Les Bottes de sept lieues » et bien d’autres.
– Allez-vous commencer à les conter ce soir ?
– Oui, oui, mes enfants, ce soir. Venez tous et
n’oubliez pas de m’apporter des sous.
Une certaine année ce Batiste, le plus célèbre des conteurs de ces temps-là, était venu établir son domicile à la demeure paternelle.

Le premier soir de son arrivée, la maison se trouvait littéralement bondée des gens du village qui étaient venus écouter notre célèbre conteur.
Aussi je dois dire que Batiste se surpassa pour ainsi dire en cette occasion, faisant passer ses auditeurs par toutes les péripéties des drames les plus émouvants pour les faire rire ensuite à gorge déployée par le récit d’aventures drôles et piquantes.
Enfin la soirée se termina par une histoire de revenants à faire dresser les cheveux sur la tête, histoire qui ne manqua pas de jeter l’effroi dans l’âme de plus d’un auditeur et de faire pâlir plus d’un visage.
Dans l’auditoire se trouvaient deux frères du nom de Boudreau, Pierre et Dominique, deux sceptiques si jamais il en fut et qui étaient bien loin d’ajouter foi à toutes ces histoires de revenants et aux racontages du bonhomme Batiste. De plus c’étaient deux fiers gaillards, de vrais Hercule qui n’avaient pas froid aux yeux comme on disait dans le pays.

À un moment de la veillée, l’un d’eux, Pierre, disparut mystérieusement de l’assemblée sans que personne vint à s’apercevoir de son absence.
S’emparant d’un grand drap blanc dont il s’affubla, il alla se poster auprès d’une barrière par où les gens de la soirée devaient passer en s’en retournant chez eux.
Le premier ensuite à quitter la maison fut Dominique qui lui aussi n’avait pas remarqué l’absence de son frère.
Arrivé tout près de la barrière, voilà qu’il aperçoit un grand fantôme blanc qui se lève en plein dans son chemin et qui d’une voix des plus gutturale se met à proférer de sinistres Hou ! Hou ! Hou ! ! !
– Diantre, se dit Dominique, serait-ce bien vrai après tout qu’il y aurait des revenants ?...
– Hou ! Hou ! Hou ! ! ! répétait le fantôme.

– Tiens, se dit encore Dominique, si c’est là vraiment un revenant, il doit être Anglais, car il dit bien Who ! Who ! ! et j’ai bonne envie de lui faire son affaire à ce mécréant de revenant anglais.
– Tu veux savoir qui je suis, continua Dominique, eh ! bien, apprends, M. le fantôme, que je suis Dominique Boudreau, un honnête chrétien. De plus, fantôme ou vivant, je te conseille de me parler français si tu veux que je te comprenne.
Et Hou ! Hou ! Hou ! ! ! encore de la part du fantôme.
– Attends, je vais t’en donner des Who, Who, dit Dominique, et en deux bonds il était sur le faux
fantôme qu’il terrassait et qu’il assommait de coups de pieds et de poings.
– Arrête ! mais arrête donc, s’écriait le fantôme ! Arrête, ne me connais-tu pas, c’est moi, ton frère Pierre.
– Je n’ai point de frère parmi les fantômes, s’écriait Dominique, dont le sang s’était échauffé. Attrape ! pin, pan, pan ! Attrape toujours. Si tu n’es pas fantôme tout de bon, tu vas en devenir un maintenant. Et pin, pan, pan !... Attrappe !......
On dit que Pierre, en effet, reçut une telle volée qu’il en fut malade pour plusieurs jours, et qu’il perdit complètement, à partir de cette date, le goût et la fantaisie d’aller jouer au fantôme.
FIN