Comme chaque jour depuis cette nuit d'Halloween, je me réveille, mes sens parcourant le monde qui m'entoure, l'âme pleine d'une forme de dégoût pour ce cercueil dans lequel je dors. Les vies s'agitent dans les appartements d'à côté, mais subitement je ressens sa présence. Ce coeur passionné et étrange qui bat si différemment des autres.
Elle est dans le couloir, juste devant ma porte. A ses pulsations cardiaque, je sens son hésitation. Osera-t-elle frapper ?
Elle se ravise et fait quelques pas en arrière comme prête à repartir d'où elle vient. Puis sa volonté prenant le dessus, elle vient finalement frapper.
En un instant, je suis hors de ma couche. Étrangement je suis calme. Finalement c'est elle qui est venue. Elle ose braver l'entrée de ma demeure, quoi qu'il puisse advenir, elle sera unique responsable de son destin. On ne rentre pas dans la tanière d'un fauve, sans devoir en assumer les conséquences.
Elle m'apparaît encore plus ravissante que dans mes souvenirs, bien que sa tenue soit des plus simpliste, une jupe et un débardeur relativement sage, m'offrant une vue imprenable sur cette gorge dont j'ai tant rêvé. Toutefois, je ne peux m'empêcher d'être ébloui par ses longs cheveux noires, et ses yeux si pétillants de vie.
Son sang cogne fort dans ses veines, et cela contribue à m'enivrer davantage. Peut-être est-ce uniquement ce coeur qui bat si différemment qui la rend si spéciale à mes yeux ?
- Puis-je entrer ? Me demande-t-elle, ce qui me fait faire le rapprochement avec ces vieux films sur les vampires, où le vampire est obligé de demander la permission de rentrer chez sa future victime.
Est-ce un hasard ? Je me souviens que lors de notre première rencontre, j'avais éprouvé cette sensation qu'elle me testait, qu'elle maîtrisait les règles du jeu au moins aussi bien que moi.
- A vos risques et périls !
Ma réponse lourde de menace, ne lui fait aucun effet, et elle rentre dans ma demeure comme en territoire conquit. Au passage, ses longs cheveux frôle ma main, et son parfum m'enveloppe encore davantage.
Peut-elle vraiment ignorer ce qu'elle risque ? Ou bien est-elle purement et simplement folle ?
Je me prépare à allumer la lumière, mais elle m'arrête, me disant que l'éclairage de la ville sera suffisant, et c'est naturellement que nous prenons place dans mon salon, vestige de mon ancienne vie humaine. Je m'installe dans un fauteuil et elle sur le divan. Comme lors de notre première rencontre, nous en venons rapidement à parler de tous et de rien. Les heures défilent, et elle se livre sans se livrer. J'apprends énormément, mais elle garde toujours ce petit bout mystère qui fait que n'importe quel sujet, n'importe quelle anecdote, n'est jamais totalement exploré. Il y aura toujours une occasion de revenir sur la conversation, de l'examiner sous un nouveau jour.
C'est une manière de séduire que je connais parfaitement, entretenir le mystère, être insaisissable, dévier la discussion quand les questions deviennent trop précises, et revenir lentement sur un sujet pour réveiller quelques interrogations et glaner quelques informations.
Je me rends compte au fil du temps qu'elle est véritablement mon égal. Bien qu'humaine et sans toutes les capacités qui me permettent d'obtenir une lecture supérieure des âmes, elle parvient tout de même à donner le change. En tant que vampire, elle serait supérieure à moi, et peut-être est-ce cette sensation d'avoir trouvé une partenaire à ma mesure, qui me fascine tant. Quoi que je fasse, elle reste insondable, et notre conversation bien que pleine de chaleur, est semblable à une joute, je dévoile un aspect maîtrisé de mon existence, afin qu'elle se risque à se confier, et à tour de rôle nous échangeons les positions.
J'attaque, elle défend, puis elle contre-attaque et je pare en conséquence.
C'est un jeu extrêmement plaisant, mais le temps passe, la nuit ne durera pas éternellement et ma faim se fait de plus en plus présente. Dans cette obscurité, je vois comme en plein jour, et malgré mon esprit qui est totalement occupé à jouer avec elle. Mon regard lui ne peut s'empêcher d'errer sur sa gorge. D'où je suis, je sens sa chaleur, et je subis malgré tous mes efforts, les ravages de toutes ces nuits frustrations.
Au fil de la discussion, je n'ai plus de doute sur sa connaissance de ma nature. Mes tentatives pour découvrir d'où elle tient une telle information échoue, ça ne la rend qu'encore plus fabuleuse à mes yeux.
Elle est comme un labyrinthe, et quand je suis trop proche de la sortie, elle s'arrange pour en changer le tracé. Mais avec obstination, je commence à découvrir que sa vie l'ennuie. Cette tristesse que j'ai ressenti, au-milieu de cette passion en ébullition, c'est de la déprime. La lassitude d'une vie sans surprise et sans risque. A mon contact, au contact d'un vampire, elle recherche comme une forme de fantaisie. Un brin de surnaturel dans une existence minutée à la seconde.
Elle ne s'en est pas rendu compte, mais elle a baissé sa garde, et je progresse très rapidement dans les méandres de son esprit et de ses tourments. J'éprouve une intense satisfaction à redevenir maître du jeu. C'est également un grand plaisir que de découvrir les raisons qui la forcent à braver le danger que je représente. Je suis de nouveau dominant, et étrangement elle m'apparaît comme moins irrésistible.
Mais je la sous-estime, car alors que je pense être définitivement hors d'atteinte de ses "attaques", elle me décontenance d'une seule phrase :
- Tu dois commencer à avoir faim ? Ou soif ? Je ne sais pas comment tu appelles ça.
Son regard est franc et direct, et son sourire, son sourire si appétissant, me laisse à penser qu'elle n'a fait que me faire croire que j'avais repris contrôle des choses. En vérité, elle m'a guidé pour que je baisse ma défense.
Je ne peux m'empêcher de rire. Rire à pleine bouche, comme je ne l'ai pas fait depuis bien des années. Se faisant, je ne dissimule plus mes crocs, et c'est comme une libération de ne pas avoir à cacher ce secret... Ce secret qui est si lourd, si encombrant la plupart du temps.
Elle est fière de son effet, la satisfaction qu'elle affiche est à la mesure de mon éclat de rire. Son minois victorieux la rend plus séduisante que jamais, et elle sait l'effet qu'elle me fait. J'ai tendance à penser qu'elle a fait durer ce petit jeu jusqu'à cet instant, jusqu'à ce moment où elle saurait que ma faim serait suffisamment forte, pour que toute provocation me donne envie de la dévorer.
- J'ai pour coutume de nommer ça : faim ! Et oui j'ai très faim.
La plupart des gens auraient certainement pris peur d'entendre une déclaration aussi froide, mais elle bien au contraire en est émoustillée. Les battements de son coeur s'accélèrent et son regard lance de tels appels que je ne peux ignorer plus longtemps ce qu'elle souhaite.
A-t-elle vécu dans la frustration elle aussi ? Et si oui depuis combien de temps ? Peut-elle avoir attendu ce moment depuis qu'elle connaît ma véritable nature ?
Je reste immobile, attendant qu'elle renvoie la balle, elle a pris l'avantage, et je ne peux qu'attendre la prochaine occasion pour reprendre la direction des opérations.
Contre toute attente, elle se lève et me fixe d'un regard sans équivoque possible. Il n'y a ni doute, ni crainte, je peux lire son désir, sa volonté, et même son courage. Mais plutôt que de se jeter sur moi, elle s'écarte, se figeant devant la baie vitrée, fixant la ville endormie.
- Tu sais ce que tu risques ?
Ma question est sans importance, et sa réponse sans surprise :
- Évidemment !
Il ne m'en faut pas plus, je suis glacé, et son corps brûlant est un supplice. Aussi vivement que le permet ma nature, je la rejoins. Elle n'a aucune crainte lorsque je me glisse derrière elle. Je sens ses cheveux contre ma joue, je sens son parfum, ainsi que tout son corps si bouillant. Elle attire mes mains me guidant lentement sur ses courbes si savoureuses. Je comprends alors que le jeu va se continuer ainsi, et j'écarte avec douceur ses cheveux, afin de couvrir sa nuque de baisers. Elle ne résiste pas et je sens littéralement son sang brûler de passion. Le rythme de ses pulsations augmentent à mesure que je l'embrasse. Sans changer de position, je glisse mes lèvres vers sa gorge, sentant son souffle se saccader, elle respire difficilement, s'enivrant de la moindre sensation. Ses lèvres se gonflent de plaisir, et lentement de faibles soupirs composent une sensuelle symphonie.
Ma nature de vampire aidant, je sais ce qu'elle attend, ce qu'elle réclame, et avant même qu'elle ne le formule ses vêtements finissent au sol, tandis que mes mains s'attardent tour à tour sur ses hanches, puis sur ses seins gonflés de désirs. C'est un bonheur de sentir son coeur battre sous mes doigts. Je joue quelques instants avec ses pointes dures et douces. Puis avec volupté, tandis que mes lèvres ne cessent de danser sur sa nuque, sur le lobe de ses oreilles, sur ses lèvres que je rencontre au hasard de ses mouvements désordonnés, j'insinue mes caresses sur chaque parcelle de sa peau.
Bien vite, elle se détend dans mes bras, laissent sa tête se reposer sur mes épaules et son corps totalement offert à mes mains qui sont devenues brûlantes au contact de sa chair si tendre. Son souffle sur mon visage est une merveille, et je mets tous mes sens en action pour que la symphonie qui s'échappe de ses lèvres ne s'arrête pas. Ses soupirs, ses murmures délicieux sont comme les sons d'un instrument, et je prends plaisir comme jamais à jouer ainsi de son être. Son corps entier vibre, et soudainement, alors que je suis en pleine découverte de son intimité avec cette douceur experte que me confère ma nature. Elle se cambre, et chante sans retenue son plaisir.
Comme si elle était ailleurs, son regard est vague et elle reste inerte dans mes bras. Il lui faut quelques minutes pour revenir à elle, minutes que j'emploie à voluptueusement l'embrasser. Tout ce sang brûlant dans ses veines, ce feu que j'ai attisé de mes doigts, sous mon souffle, ce volcan qui a explosé, provoque chez moi un étrange mélange de plaisir et de souffrance.
Je me sens homme comme jamais, mais je suis également terriblement vampire. J'ai faim, j'ai soif, et je lutte à chaque instant pour ne pas déchiqueter cette gorge si enivrante, et qui m'est totalement offerte. Son corps est une invitation à ce que je la tue, et je suis surpris de parvenir à me maîtriser autant. Mais si j'ai gagné ce premier round, le second commence alors qu'elle se retourne et ose m'embrasser à pleine bouche.
Je découvre le goût de sa salive, sa langue aventureuse et téméraire se risquer à lécher mes crocs. C'est à présent à elle que revient le droit d'attaquer, et je ne sais pas si ma défense saura tenir. Elle n'a pas peur, et je suis inquiet de découvrir que ses propres caresses ne me laissent pas insensible. Elle sait pertinemment que je suis en train de perdre mon contrôle. Je réponds à présent à ses baisers, à ses caresses, et lentement, à l'aide de ses lèvres, elle découvre mon propre corps, m'ôtant mes vêtements aussi facilement que toute volonté de lui résister. C'est alors qu'elle brise soudainement notre étreinte, et se rend dans ma chambre. Là, à côté de mon cercueil se trouve un grand lit, et prenant une position d'offrande, elle m'invite à la rejoindre. Je sais que mes paroles sont vaines, mais dans un dernier sursaut de volonté, je lui dis :
- Tu sais que je risque de te tuer ?
- C'est maintenant que je suis en vie ! En vie comme jamais ! Répond-elle avec effronterie.
Alors, comme dans mon rêve, je parcours son corps entièrement de mes baisers, m'attardant suffisamment pour la combler autant que possible, explorant avec amour chaque parcelle de sa peau. Afin de lentement refaire naître cette symphonie de soupirs qui est comme une musique divine à mes oreilles. Mais à chaque baisers, à chaque coup de langues, à chaque frôlement de doigts, je sens son sang. Ses veines sont brûlantes, c'est un bonheur, c'est un supplice, j'ai tellement faim, tellement envie d'elle ! Tout se mélange, et finalement guidé par la passion, mes lèvres arrivent près de sa gorge.
Peut-être est-ce à cause de ma nature de vampire, mais je suis amoureux de cette partie du corps de la femme. On y ressent toutes les émotions, la chaleur, les vibrations des soupirs, et j'aime tellement les embrasser à cet endroit précis. J'aime sentir frémir cette chair si douce et voluptueuse, je suis fou, fou d'elle, fou de son corps, fou de ce sang qui m'appelle.
Je ne peux pas résister davantage, j'essaye, mais ne peux pas. Il me faut ce sang, j'ai faim, et malgré toute ma volonté, je plaque avec rage mes lèvres contre sa gorge, alors que surprise elle pousse un long gémissement dans la nuit...
Le lendemain soir, je me réveille. Comme à chaque fois, je parcours mon appartement de mes sens, et je découvre avec un étrange mélange d'inquiétude et de bonheur que je ne suis pas dans mon cercueil. Après ce qui s'est passé cette nuit...
... je n'ai pas eu la force de le rejoindre...
Je me lève désorienté, et il me faut quelques minutes pour parvenir à retrouver mes vêtements. J'ai terriblement faim, et je sais qu'il va falloir que je parte chasser. Mais au moment d'ouvrir la porte, j'ai la bonne surprise de croiser ma charmante petite fée. Son sourire est radieux, et elle porte autour du cou un foulard qu'elle ôte immédiatement en me voyant, laissant apparaître un gros suçon. Un suçon sans marque de dent, un suçon des plus humains.
- Faudra que tu fasses attention cette nuit, me dit-elle avec malice, avant de se jeter dans mes bras, et m'embrasser à pleine bouche.
C'est avec plaisir que je réponds à son étreinte, étant à nouveau pris entre l'intense désir qu'elle éveille en moi, et cette impérieuse faim qui ne sera jamais comblée. La nuit dernière, par miracle, je suis parvenu à me maîtriser pour mon plus grand bonheur. Mais notre histoire ne fait que commencer, et cette nouvelle nuit sera, sans aucun doute, un étrange mélange de plaisir et de supplice. Ma volonté sera-t-elle assez forte ?
Je l'espère, car je le sais, je ne saurai me passer de sa présence...
FIN