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Conte : Le serpent blanc
02/11/2007 23:09
Le serpent blanc
Il y a maintenant longtemps que vivait un roi dont la sagesse était fameuse et célébrée dans tout le pays. Il était au courant de tout et il n'y avait rien qui pût se faire à son insu. On eût dit que les nouvelles lui arrivaient à travers les airs et qu'il connaissait le secret de toutes les choses cachées. Mais il avait une bizarre habitude. Chaque jour, à midi, quand la table avait été bien débarrassée et quand il n'y avait plus personne autour de lui, le roi se faisait apporter une certaine terrine par un serviteur attaché à sa personne. La terrine était couverte et le serviteur lui-même ignorait ce qu'elle pouvait contenir. Car le roi attendait toujours d'être absolument seul pour la découvrir et en manger.
Il y avait déjà pas mal de temps que durait la chose, quand, un jour, en remportant la terrine, le serviteur fut pris par la curiosité, et elle le tint si bien qu'il ne put résister. Il emporta la terrine dans sa chambre, ferma la porte à double tour et ôta le couvercle. Et que vit-il dedans ? Un serpent blanc. Rien qu'à le voir, il eut envie d'y goûter et ne put se retenir. Il en coupa un petit bout qu'il porta à sa bouche. Mais à peine sa langue y eut-elle touché, voilà qu'il entendit, à sa fenêtre, un étrange murmure de petites voies fines. Il s'approcha et prêta l'oreille, s'apercevant alors que c'étaient des moineaux qui faisaient la conversation et qui se racontaient toutes sortes d'histoires sur ce qu'ils avaient vu dans les champs et dans les bois. D'avoir goûté au serpent l'avait doué du pouvoir de comprendre le langage des oiseaux et des autres bêtes.
Justement, ce jour là, il se fit que la reine s'aperçut de la disparition de sa plus belle bague, et que le soupçon se porta sur ce serviteur familier, qui avait des entrées partout. Le roi le fit appeler devant lui et lui dit, avec des paroles dures et menaçantes, que si le coupable n'était pas découvert et désigné avant le lendemain matin, ce serait lui qui répondrait du vol et serait jugé. Il eut beau protester de son innocence, cela ne changea rien et il se retira sans avoir rien obtenu de meilleur, ni même un simple renseignement. Tout angoissé, il descendit dans la cour, où il resta à se demander comment il pourrait bien faire pour s'en tirer. Il y avait là, sur le bord du ruisseau, un petit monde canards, qui paressaient et se reposaient, nettoyant et lissant leurs plumes du bec tout en bavardant paisiblement. Le serviteur s'arrêta à les écouter se raconter ce qu'ils avaient fait, où ils s'étaient promenés et dandinés ce matin-là, quelles bonnes choses ils avaient trouvées à manger, quand il entendit un se plaindre avec humeur qu'il avait quelque chose, qui lui pesait dans le jabot. " Figurez-vous que, dans ma hâte, j'ai avalé une bague sous la fenêtre de la reine. " Le serviteur ne fit ni une, ni deux : il l'attrapa par le col et le porta à la cuisine, où il dit au cuisinier :
- " Celui-ci est bon à tuer : il est dodu à souhait ! - Ca oui, dit le cuisinier, en le soupesant de sa main, en voilà un qui n'a pas plaint sa peine pour ce qui est de se gaver, et tu peux dire qu'il n'a que trop attendu pour se faire embrocher ! "
Il lui coupa le cou sur l'heure, et quand on l'eut plumé et vidé, on retrouva la bague de la reine dans son gésier. Le serviteur n'eut alors aucune peine à démontrer son innocence au roi, qui lui promit, pour réparer l'injustice qu'il avait commise, de lui accorder la grâce qu'il demanderait, si haute que fût la dignité qu'il lui plairait d'occuper à la cour. Le serviteur refusa tout et demanda seulement un cheval et une bourse de voyage, car il avait envie de voir le monde et de s'y promener, un petit bout de temps. Sa requête ayant été satisfaite, il se mit en route et arriva un jour, près d'un étang, où il vit trois poissons qui s'étaient pris dans les roseaux et qui gigotaient désespérément pour retourner à l'eau. Bien qu'on prétende que les poissons soient muets, il entendit pourtant leurs gémissements pitoyables et comment ils se plaignaient d'avoir à mourir si misérablement. Parce qu'il était charitable de cœur, il descendit de cheval et libéra les trois prisonniers en les remettant à l'eau. Ils frétillèrent de joie, sortirent leurs têtes à la surface et crièrent : " Nous saurons nous en souvenir et nous te récompenserons de nous avoir sauvés. "
Il remonta à cheval et poursuivit son chemin, et voilà qu'au bout d'un moment, il lui sembla entendre comme une voix, à ses pieds, dans le sable. Il prêta l'oreille et entendit un roi des fourmis qui se lamentait : " Si seulement les hommes avec leurs grosses têtes lourdaudes restaient loin de nous ! Voilà ce stupide cheval qui m'écrase sans pitié mes sujets sous ses sabots ferrés ! " Le cavalier détourna sa bête dans un autre chemin, et le roi des fourmis lui cria : " Nous nous en souviendrons et te le revaudrons ! "
Le chemin qu'il avait pris le mena dans la forêt, où il vit un père corbeau et une mère corbeau, sur le bord de leur nid, en train de jeter dehors leurs petits : " Hors d'ici, bande de gloutons criaient-ils ; nous n'arrivons plus à vous rassasier, maudits pendards, et vous êtes bien assez grands pour vous nourrir tout seuls ! " Les malheureux petits gisaient sur le sol, en battant gauchement de leurs petites ailes, et ils se lamentaient : " Pauvres abandonnés que nous sommes, qu'allons-nous devenir ?Il faut que nous trouvions nous-mêmes notre nourriture, et nous ne savons pas voler ! Mourir de faim ici, c'est tout ce qui nous attend. " Alors le bon jeune homme mit pied à terre, tua son cheval d'un coup d'épée et le laissa aux jeunes corbeaux afin qu'ils s'en nourrissent. Ils sautillèrent auprès, mangèrent tout leur soûl et crièrent : " Nous nous en souviendrons et te le revaudrons ! "
Maintenant, il n'avait plus que ses jambes pour voyager, et après une longue, longue marche, il arriva dans une grande ville. Les rues grouillaient de monde et le vacarme était grand, mais tout se tut pour écouter un cavalier qui faisait une annonce : la fille du roi cherchait un époux. Mais celui qui voulait la gagner devait accomplir une difficile épreuve, et s'il n'arrivait pas à la mener à bien, il y laissait sa vie. Nombreux étaient ceux qui l'avaient tenté déjà, mais tous avaient joué de leur vie pour Rien. Le jeune homme, lorsqu'il eut l'occasion de voir la princesse, fut si ébloui de sa beauté qu'il en oublia tout danger. Il se rendit devant le roi et s'offrit comme prétendant.
Il fut aussitôt envoyé dehors et conduit au bord de la mer, dans laquelle on jeta au loin, sous ses yeux, un anneau d'or. Puis le roi lui ordonna de ramener cet anneau du fond de la mer. " Si tu reviens, sans le rapporter, ajouta le roi, tu seras rejeté à l'eau, jusqu'à ce que les vagues t'engloutissent ". Toute l'assistance s'affligea pour ce beau jeune homme, puis se retira, le laissant seul, sur le bord de la mer. Il se tenait debout sur le rivage, en se demandant comment il pourrait bien faire, quand tout soudain il aperçut trois poissons qui nageaient vers lui, et qui n'étaient autres que les poissons auxquels il avait sauvé la vie. Ils nageaient de front, et celui du milieu portait, dans sa gueule, un coquillage qu'il posa sur le sable aux pieds du jeune homme. Il ramassa le coquillage, l'ouvrit et trouva dedans la bague d'or, qu'il alla, tout heureux, rapporter au roi, n'attendant plus que sa récompense. Mais la fille du roi, dans son orgueil, quand elle sut qu'il n'était pas son égal par la naissance, le repoussa dédaigneusement et exigea qu'il subit une seconde épreuve. Elle descendit dans le jardin et répandit elle-même dix sacs de millet sur la pelouse. " Il faut que, demain matin, avant le lever du soleil, il ait tout ramassé, dit-elle, et qu'il n'y manque pas une seule graine. "
Le jeune homme resta là, dans le parc, à se demander comment il pouvait venir à bout d'une pareille tâche ; mais il eut beau tourner et retourner le problème dans sa tête, il ne trouva rien de rien. Il se laissa tomber sur un banc et attendit là, bien tristement, le lever de cette aube, qui serait celle de la mort. Quand le jour se leva, éclairant de ses premiers rayons les gazons de la pelouse, il vit, bien rangés l'un à côté de l'autre, les dix sacs remplis à ras, auxquels il ne manquait pas le plus petit grain de millet. C'était le roi des fourmis qui était venu pendant la nuit, avec ses milliers et ses milliers d'ouvrières, et qui avait employé tout son monde, par reconnaissance, à lui ramasser diligemment le millet et à remplir ses sacs. La princesse descendit elle-même au jardin et vit avec stupéfaction que le jeune homme avait parfaitement accompli la tâche qui lui avait été imposée. Mais son cœur orgueilleux ne voulut pas se soumettre encore, et elle dit : " Même après avoir triomphé des deux épreuves, il ne deviendra pas mon époux avant de m'avoir rapporté une pomme de l'Arbre de Vie. "
Le jeune homme n'avait aucune idée de l'endroit où se trouvait l'Arbre de Vie. Il partit néanmoins, bien décidé à marcher aussi loin et aussi longtemps que ses jambes le porteraient. Mais il n'avait aucun espoir de le trouver jamais. Il avait déjà cheminé à travers trois royaumes, quand, un soir, dans une forêt, il s'étendit, au pied d'un arbre, pour dormir. Un bruit se fit dans les branches et une pomme d'or lui tomba dans la main. Au même instant, trois corbeaux descendaient pour se poser sur ses genoux et ils lui disaient : " Nous sommes les trois corbeaux que tu as sauvés de l'inanition et de la mort ; devenus grands, nous avons appris que tu étais en quête de la pomme d'or, et c'est pourquoi nous avons volé, par-dessus les mers jusqu'au bout du monde, où croît l'Arbre de Vie, et nous t'y avons cueilli cette pomme. "
Débordant de joie, le jeune homme prit le chemin du retour et rapporta la pomme d'or à la belle princesse, qui n'eut plus rien à dire. Ils partagèrent la pomme de Vie et la mangèrent ensemble ; et l'orgueil, dans son cœur, fut remplacé par le plus grand amour. Ils vécurent un bonheur parfait et atteignirent un très grand âge.
FIN
Les Frères Grimm
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Conte : Le chat
02/11/2007 23:11
Le chat
Dans les anciens temps, un pêcheur du nom d'Antoine vivait, au flanc de la montagne, qui surplombe, à pic, le magnifique lac du Bourget. Il y possédait une masure de torchis et de chaume qu'il quittait, dès l'aube, pour s'en aller pêcher.
Un matin, qu'il n'arrivait pas à tirer de l'eau le moindre fretin, il promit d'offrir à Dieu, en le rendant à son élément naturel, le premier poisson qu'il prendrait. Antoine estimait que Dieu ne se laisserait pas gagner de générosité et que ce premier poisson en amènerait plus d'un autre.
Dieu l'entendit… Car sa ligne, tout aussitôt, se prolongea d'un poisson, énorme et beau comme il ne croyait pas qu'il pût en exister de pareil ! "Un poisson qui se vendrait cher au poids !" pensait Antoine par habitude. Mais sa promesse lui revint en mémoire. Il soupira… Il hésita… Fallait-il vraiment avoir le courage de remettre à l'eau ce merveilleux poisson ? Pour qu'un autre que lui le repêchât et en tirât profit. Dieu ne pouvait exiger un tel sacrifice. Dieu ne mangeait pas. Que lui importait donc qu'on lui fît hommage de ce poisson-ci plutôt que du suivant ? "Tu as dit "le premier", lui souffla un bon ange. - Eh bien ! répliqua le madré Savoyard, ce sera le premier… à partir d'à présent !" Et il lança sa ligne à nouveau. Dans la même seconde, il la releva ! Un poisson deux fois gros comme le précédent frétillait au bout du fil. "Rejette-le intima la voix de l'ange. - C'est facile à dire ! grommela le pêcheur. On voit bien, cher ange, que vous êtes un pur esprit. Pour mon compte, j'ai femme et enfants… Avec le prix de ce poisson-là, nous vivrons une semaine… - Ton poisson appartient à Dieu ! - Alors, je n'ai pas à le lui donner !" répliqua l'homme, chicanier de son naturel. L'ange joignit ses ailes pour se cacher le visage et se mit à pleurer. Antoine avait relancé sa ligne une troisième fois et, immédiatement, il eut, à l'adresse de l'ange, un sourire goguenard… Sa prise promettait de dépasser encore les deux premières. Elle était si lourde que l'extrémité du jonc ployait et que l'habile pêcheur eut beaucoup de peine à amener le fil jusqu'à lui. Avec précaution, il le souleva hors de l'eau… Alors il ne retint pas un cri de stupeur. Un petit chat noir se débattait, agrafé à l'hameçon. Antoine le délivra, le soupesa au creux de sa main… Une poignée de duvet n'eut pas été plus légère que cette bestiole qui, tout à l'heure, avait failli casser sa ligne. Antoine ne chercha pas à déchiffrer l'énigme mais il décida qu'il emporterait le chaton. Sa femme serait contente, elle qui se plaignait que leurs provisions fussent le festin des rats.
Il voulut continuer à pêcher. Mais il eut beau lancer et relancer sa ligne, renouveler les appâts, changer de place… On eut pu croire qu'il ne restait plus un seul poisson dans le lac. "Bast ! fit-il. Je n'ai pas trop à me plaindre." N'insistant pas davantage, il enroula son fil, se saisit du panier où se débattaient les deux gros poissons qui allaient le rendre riche pour la moitié d'un mois, et commença de gravir la côte. Dans la poche de sa blouse, le chaton sauvé des eaux miaulait et griffait.
A vingt mètres de sa masure, il vit sa femme qui l'attendait sur le seuil, placide et patiente ainsi qu'à l'habitude. Sans avoir échangé un mot, tous deux rentrèrent dans l'unique pièce qu'éclairait à peine la lumière du jour et où flottait une odeur d'étable et de lait caillé. A terre (il n'y avait ni plancher ni carrelage), sur une paillasse, vagissaient trois enfants. Le plus jeune semblait de quelques semaines, l'aîné n'avait pas deux ans. Le père ouvrit son panier et le rude visage de la femme se plissa imperceptiblement de satisfaction. Pourtant, elle feignit d'être déçue : "Sont pas trop petits ! dit-elle. Mais sont peu…" Antoine ne s'émut pas. Il savait que, en eût-il apporté cent, elle eût témoigné de la même maussade indifférence. C'est le caractère de la race de ne jamais se montrer trop content des biens qui vous arrivent. Un proverbe prétend que, s'il pleuvait des ducats, les Savoyards se plaindraient que le Bon Dieu cassât leurs ardoises. "Voici le dernier morceau !" annonça-t-il, présentant le chaton. Avec un haussement d'épaules, elle le lança doucement aux enfants qui piaillaient.
Le chat grandit. Il grandit si vite, il grandit tant qu'il atteignit bientôt la taille d'une panthère et ce fut, pour ses maîtres, un grand soulagement quand il quitta la masure. Hélas ! il n'en avait point oublié le chemin. Trop souvent, il y venait rôder… Ce chat était épouvantable à voir, avec son poil couleur de suie, ses griffes qui ressemblaient à des yatagans, ses yeux verts et phosphorescents qui vous aveuglaient dans l'ombre. Ses mâchoires, lorsqu'elles se refermaient sur une tête de mouton, la broyaient aussi facilement que vous croquez une pastille. De petits enfants disparurent. Des hommes. Des femmes. La terreur se répandit partout. On organisa des battues, menées par les meilleurs tireurs de la région. Tous avaient vu le chat fantastique. Tous avaient été, plus ou moins, ses victimes. Mais ni la vaillance, ni la ruse, ni le désir de venger un deuil cruel ne triomphèrent de l'horrible bête. Le chat s'avérait invulnérable. L'apercevait-on juché sur un sommet ? A peine l'avait-on mis en joue qu'on le retrouvait derrière soi. Le croyait-on à gauche ?… Voilà qu'il se trouvait à droite. Ou bien, on le voyait bondir de quelque haute roche, dessinant, sur le ciel bleu, une souple courbe noire qui s'effaçait aussitôt comme s'il se fût volatilisé dans l'air. Puis le jeu changeait. Il demeurait immobile. Balles et flèches roulaient et glissaient sans même déchirer sa fourrure infernale. La nuit venue, les paysans barricadés chez eux remontaient leurs couvertures par-dessus leurs oreilles quand ils entendaient les sinistres miaulements répercuté à l'infini par l'écho des montagnes. Ils évoquaient, en se signant, le voyageur attardé dont on ne retrouverait plus le lendemain qu'un lambeau de vêtement…
Antoine, plus que quiconque, désirait la mort du chat. Pourtant, il tremblait de la provoquer. Il avait compris que l'animal était le châtiment de Dieu. Depuis la pêche miraculeuse où il avait renié sa parole envers le Maître de toutes choses, jamais plus il n'avait attrapé de poissons. Pour que sa femme, ses enfants et lui-même ne mourussent pas de faim, il avait demandé de l'embauche à des bûcherons. Mais le sort s'acharnait. Un arbre, en tombant, lui cassa la clavicule. Puis il se blessa sur sa propre hache. Enfin, le feu s'était déclaré à la coupe de bois à laquelle il travaillait. Avant chaque malheur, il avait rencontré le chat et le chat l'avait fixé en crachant du feu. Un certain matin, un ânier piémontais qui passait par là, découvrit, en travers de leur seuil défoncé, le pêcheur, sa femme, et leurs trois enfants. Leur cou béait sous l'empreinte sanglante de crocs gigantesques. Leur visage était lacéré d'estafilades en pleine chair.
Le chat qui continuait ses ravages se mit à observer un rythme inexplicable, de vingt en vingt. S'étant instauré gardien du col menant de l'un à l'autre versant, il laissait franchir la montagne à dix-neuf personnes, hommes ou femmes, et dévorait la vingtième. Or, les raides sentiers ne permettaient pas qu'on allât de front. Il y avait toujours un vingtième et le vingtième était toujours la proie du chat.
Une fois, un jeune soldat, qui rentrait de congé, connut qu'il arriverait le vingtième. Il pensa bien à reculer. Mais déjà, il avait eu le tort de céder aux instances de sa famille désireuse de le retenir le plus possible. Sa permission expirait. Un nouveau retard lui vaudrait une mauvaise note, sinon d'être accusé de désertion. Il fallait essayer de passer. Or, comme il arrivait au col redoutable, il entendit sonner l'angelus. Dans une petite église en contrebas, des femmes pénétraient, serrant leurs mantes sombres. Deux enjambées suffirent pour qu'il se mêlât à elles. L'office fini, il s'en fut à la sacristie solliciter de Monsieur le Curé qu'il bénît son fusil. Arme à la main, le soldat reprit sa route… A peine avait-il avancé de quelques pas qu'il vit la bête, debout au faîte d'un rocher, qui l'attendait. Les derniers rayons du soleil rendaient plus noir encore son noir pelage mais ses narines lançaient des flammes et ses yeux brillaient comme braises. Presque inconscient de son geste, le soldat visa. Toutes griffes dehors, le monstre s'était élancé. Il ne retomba pas sur la route. Le coup qui l'atteignit avant qu'il eût touché terre le projeta au bord de la pente abrupte où il tenta de s'agripper. Une deuxième détonation lui fracassa la tête et le précipita dans l'abîme, au fond du lac. On dit que la gerbe d'écume qu'il souleva dans sa chute éclaboussa jusqu'aux crêtes environnantes. Le soldat, un court instant abasourdi par sa victoire, remercia Dieu, puis, calmement, se remit en marche.
Pour commémorer ces faits, on dénomma Mont du Chat ce chaînon du Jura qu'avait terrorisé le diabolique animal. On ne le revit plus jamais. Des gens dignes de foi affirment qu'il recouvra la vie sous les eaux mais qu'il y demeurera captif jusqu'à la consommation des siècles. Il en ressent de grandes colères. Alors son poil se hérisse et provoque, à la surface du lac d'émeraude, ces brusques frémissements qui font chavirer les barques.
FIN
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Légende : Les crânes hurleurs
02/11/2007 23:13

La légende des crânes hurleurs
Ces fortes têtes qui, même une fois mort, refusent de se taire
Pour beaucoup de peuples primitifs le crâne était l'objet d'une terreur superstitieuse. Il y voyaient le siège de l'âme. Les chasseurs de tête conservaient le crâne de leurs ennemis comme de précieux trophées. Les guerriers scandinaves buvaient dans des crânes, car ils pensaient qu'ainsi ils héritaient des vertus martiales de leurs adversaires.
Les crânes ont toujours joué un rôle important dans les pratiques des sorcières et des magiciens. Il y a eu un procès célèbre au sujet des crânes, celui qui fut intenté en 1612 à Anne Chattox, qui commandait à toute une bande de sorcières du Lancashire. Elle fut accusée d'avoir déterré trois crânes dans un cimetière pour s'en servir dans des rites démoniques. Évidemment, elle fut pendue.
Au XVIIe siècle, une jeune fille nommée Anne Griffiths, qui vivait à Burton Agnes Hall ( ci-dessus le célèbre manoir où habitera plus tard Elizabeth I ), dans le Yorkshire, fut attaquée et sauvagement battue par des voleurs. Au moment où elle allait mourir, elle exprima le désir singulier que sa tête soit ensevelie dans le manoir qu'elle aimait tant. Mais son voeu ne fut pas respecté, et elle fut enterrée dans le cimetière du village. Peu de temps après les funérailles, la maison se mit à retentir des gémissements affreux, de bruits étranges et sinistres, et les portes claquèrent toutes seules. On déterra le crâne, on le scella dans un mur du manoir, et depuis lors Burton Agnes Hall connait la paix.
Le cas Bettiscombe Manor
De toutes les histoires de crânes qui courent en Angleterre, la plus singulière est probablement celle du crâne hurleur de Bettiscombe Manor, dans le Dorset. C'est dans un château habité par la famille "Pinney" que l'histoire du crâne dont je vais vous parlez est née. Au XVIIIe siècle, un Pinney parti pour les Indes occidentales et en revint avec un serveur noir. Ce serviteur mourut très rapidement, mais avant de mourir, il fit promettre à son maître qu'il serait enterrer dans sa patrie, une île des Caraïbes appelée Nevis. Le châtelin ne tint pas sa promesse et fit ensevelir son serviteur dans le simetière local. Assitôt, des cris effroyables s'élevèrent de la tombe et terrifièrent le voisinage. Il fallu exhumer et le rapporter dans la demeure pour obtenir un retour au calme.
Les occupants actuels du manoir, Mr et Mrs Pinney pensent maintenant que la dernière volonté du noir à été respectée et que toute cette histoire est sortie de l'imagination d'un anticaire du XIXe siècle, le juge J.S Udal.
En fait, ce crâne, examiné par un spécialiste, se révéla être celui d'une petite fille décédée environs 2000 ans auparavant. Mais la légende est tenace. Encore aujourd'hui, on dit que si on enlève le crâne il se met à hurler, et la personne qui oserait le déplacer mourrait dans la même année.

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