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L'inconnue du fleuve
13/10/2008 23:15
L'inconnue du fleuve
L'affaire dont je témoigne date des années 60. Pour des raisons de secret professionnel et de discrétion, je me permets de changer le nom de ses protagonistes et celui de la ville où elle s'est déroulée. Mais tout le reste est exact, j'étais moi-même interne à la Faculté de X. au moment des faits, et assistais le Professeur L. spécialiste de Médecine Légale pour me faire de l'argent de poche, avant d'obtenir mon doctorat et d'ouvrir mon propre cabinet.
Ce matin-là, lorsque je me penchai sur le tiroir réfrigéré, écartant la toile qui ceignait le cadavre prévu pour le cours de dissection, je tressaillis.
Jamais encore depuis que je me livrais à des travaux d'approche, à l'Institut de Médecine Légale, je ne m'étais trouvé en présence d'un corps si beau, si pur, aux traits si fins.
Une jeune fille blonde, aux yeux bleus d'eau, à la peau nacrée, que l'on pouvait croire endormie, m'apparut. Au lieu des odeurs fortes des produits conservateurs luttant contre la pourriture, il émanait de la boîte, un parfum délicat, indéfinissable.
Muet, comme frappé de stupeur, je ne pus arracher mes yeux de cette harmonie, de cette grâce. Chargé de la préparation des instruments, des tissus et des organes pour le cours d'autopsie légale, je ne me résolvais pas, malgré l'heure avancée, à mutiler ce corps trop parfait.
Je m'enquis, par téléphone, auprès du responsable de la morgue, de la provenance de ce cadavre. Il m'apprit qu'il s'agissait d'une inconnue repêchée dans la ... voici plusieurs mois.
Le corps n'ayant jamais été réclamé par la famille et l'enquête diligentée par le parquet n'aboutissant pas à lui donner une identité, nous en héritions le plus légalement du monde, tous les délais ayant été respectés.
Lorsque la cohorte bruyante des étudiants envahit l'amphithéâtre, j'étais encore debout, paralysé, sous le charme, sans avoir commencé l'autopsie.
A l'entrée du Professeur L. je n'étais pas plus avancé.
Selon son habitude, L. suspendit son manteau à la patère et revêtit sa blouse de travail tandis que son assistante l'aidait à enfiler ses gants. Il s'approcha de la table de dissection et me salua.
Me voyant immobile et trouvant mon attitude plutôt curieuse, il m'apostropha de sa voix chaude aux accents méridionaux :
- Eh bien Ludovic, quelle belle brune avez-vous préparé pour servir d'exutoire aux instincts libidineux et pervers de vos petits camarades ?
Il faut dire qu'en général, les dépouilles humaines aboutissant là n'étaient guère ragoûtantes !
J'avouai piteusement :
- Je n'ai pas osé la toucher, Monsieur ! Regardez !
Il y eut des rires moqueurs et des coups de sifflet dans les travées des gradins. Mais alléchés, plusieurs étudiants déferlèrent vers l'estrade.
Le Professeur se pencha à son tour, entouré par ses élèves, et admit simplement :
- C'est vrai qu'elle est belle ! Mais nous sommes ici pour travailler. Cette petite est morte. Nous ne pouvons plus rien pour elle. C'est justement pour sauver d'autres belles filles comme cela que vous étudiez la médecine. Profitons de son intégrité apparente pour voir de quoi elle est morte, quel mal sournois a interrompu sa vie dans la fleur de sa jeunesse. Scalpel !
De ses doigts gantés L. souleva une paupière. Un iris d'un bleu pur apparut, lumineux, intense, presque insoutenable.
Assailli par le doute, il tâta la peau restée souple, ordonna à ses assistants d'installer le cadavre sur la table de dissection et de le soumettre aux instruments de contrôle.
Comme prévu, la pression sanguine se révéla nulle et l'encéphalogramme plat. Ouf ! Aucun doute, elle était bien morte.
Pourtant, lorsque la lame précise du professeur fendit sa peau à la fois élastique et ferme, sans nulle trace de corruption, des gouttes de sang perlèrent tout le long de la blessure, comme de précieux rubis.
Fascinés, les élèves restèrent muets. Nul ne risqua plus de plaisanterie. Lorsque la scie découpa les côtes, plus d'un, sans oser se l'avouer, s'attendait à ce que, au fond du thorax ouvert, apparût le coeur palpitant de la jeune inconnue, comme dans un film d'épouvante.
Soudain, en une fraction de seconde, notre univers de logique scientifique bascula dans l'irrationnel. Pour ce professeur célèbre et notre groupe d'étudiants, imprégnés de certitudes immuables, les connaissances, les lois que nous avions chèrement apprises, semblaient ne plus avoir cours, et perdaient leur emprise sur le réel.
Le cadavre de la jeune inconnue, dépecé avec précaution, les viscères prélevés pour l'autopsie, nous analysons le contenu des poumons, de l'estomac, de l'intestin sous les directives du professeur de plus en plus perplexe.
L. finit par admettre, avec une visible répugnance, devant ses élèves réunis, qu'il se passait sous nos yeux un phénomène inconnu, d'une très haute improbabilité, encore inexpliqué, mais qui comme tout phénomène trouverait tôt ou tard son explication.
Ses conclusions, qui nous frappèrent tous, nous qui assistions ce matin-là à cet incroyable cours magistral, fut que :
Primo : Bien qu'elle fût morte, selon les critères universellement admis par la science, les organes et les tissus de la jeune fille n'étaient absolument pas lésés ni corrompus.
Secundo : Bien qu'elle ne respirât plus, que son coeur ne battît plus, que son cerveau ne fût plus irrigué, le corps de l'inconnue semblait absolument intact, prêt à repartir, pour peu qu'on lui insufflât le souffle vital, que l'élan soit redonné à son organisme.
Tertio : Une telle situation était sans précédent, impensable ! Seule pouvait être avancée une explication hasardeuse, l'hypothèse cryogénique par exemple. (Abaissement de la température stoppant le mouvement des particules atomiques.) Or, le corps qu'ils avaient devant eux, bien que conservé au froid depuis plusieurs mois, n'était pas congelé, et se trouvait préalablement soumis à la température ambiante en vue de l'autopsie.
Le temps du cours étant écoulé, le professeur L. nous libéra, mais décida de se livrer personnellement à une nouvelle expérience.
Il s'en ouvrit à ses assistants dont j'étais.
- Nous allons restaurer ce corps, recoudre minutieusement chaque organe à sa place, comme si ce cadavre était encore en vie, et nous allons étudier ce qui va se passer.
Aidé de toute son équipe, le professeur passa plusieurs heures à remettre chaque élément de ce puzzle dans son état primitif.
Ainsi reconstituée, la jeune inconnue n'était plus que la caricature de ce qu'elle fut. Le corps et le visage ravagés par les coutures, les chairs tuméfiées, boursouflées, elle avait perdu tout mystère et toute beauté.
La journée passa vite. Le soir venu nous remîmes avec précaution le cadavre dans son tiroir réfrigéré et allâmes dîner ensemble dans un troquet proche de l'institut. Au cours du repas, les questions fusèrent :
- A votre avis, professeur, que s'est-il passé, comment expliquez-vous ce phénomène ?
- Je ne me l'explique pas.
- Mais vous..., vous imaginez des hypothèses? risquai-je.
- Certes, mais si je vous les exposais vous les trouveriez tellement farfelues que vous hésiteriez à poursuivre vos études et vos recherches sous ma direction !
- Vraiment ?
- Ecoutez Ludovic, j'ai soixante-deux ans. Il y a bien cinquante ans que je ne crois plus au père Noël, quarante-cinq ans que j'ai perdu la foi en un Dieu barbu et omnipotent ou aux bonnes fées des contes de mon enfance. Voici quarante ans que je dissèque des corps d'animaux ou d'êtres humains, sans y avoir jamais découvert la moindre âme ou parcelle de transcendance. Or là, ce matin, nous venons vous et moi d'assister, à ce que pudiquement j'appellerai un phénomène paranormal, mais qui pour d'autres représenterait certainement un miracle. Alors des hypothèses...
- Du moins votre sentiment ?
- Je pense qu'il existe dans l'univers autant de forces, de puissances, de phénomènes inexpliqués à ce jour qu'il y en a de connus, d'expliqués, de scientifiquement admis. Dans le cas précis qui nous préoccupe, je dirais simplement qu'une "énergie" inconnue semblerait avoir suspendu provisoirement les lois biologiques qui régissent habituellement la lente corruption des corps privés de vie.
Mais je vous parie que tôt ou tard la nature aura repris ses droits et que cette petite merveille ne sera plus hélas que puanteur et charogne. Cela vous satisfait-il ?
- En tout cas si elle ne résout rien, votre explication a le mérite de la clarté et de la simplicité. Le dîner achevé le professeur L. nous nous séparâmes pour nous reposer des fatigues de cette harrassante journée.
Mais dès l'aube, sans nous être donnés le mot, nous nous sommes tous retrouvés au laboratoire de dissection, curieux de voir l'état dans lequel nous retrouverions notre "belle patiente".
Lorsque j'ouvris le tiroir, en retenant mon souffle, j'eus un choc : La jeune fille nous souriait, plus belle qu'avant, intacte, immaculée, sans que nulle trace ne laisse apparaître sur son corps parfait, les outrages conjugués du scalpel et des sutures.
FIN
Dr Ludovic N.
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La famille Trompe-la-mort
26/02/2009 05:30
La famille Trompe-la-mort
En 1977, Mme Inès da Silva Malafuente «décéda» dans la région d'Alicante, en Espagne.
Il faut noter que, dans ce pays, le permis d'inhumer est réglementairement délivré dans la journée qui suit le constat de décès, et, bien souvent, lorsque une personne est déclarée morte le matin, elle est enterrée dans l'après-midi. Cela correspond à des impératifs d'ordre climatique datant d'avant l'époque des réfrigérateurs.
En effet, dans la saison chaude, si on ne mettait pas immédiatement le mort en terre, la putréfaction accélérée par la chaleur, hâtait la décomposition, à tel point que le trépassé n'était plus très présentable à sa famille, et encore moins au public.
La corruption rapide des tissus musculaires et l'autocombustion des graisses, entraînaient tant elles pouvaient être rapides, notamment chez les sujets obèses et ballonnés, des secrétions et de gaz malodorants, s'échappant régulièrement par les orifices naturels. Bref un corps monstrueusement bouffi et en cours de putréfaction.
Inès da Silva, âgée à l'époque de cinquante-deux ans, fut enterrée dans l'après-midi, après que le médecin de son village, qui buvait beaucoup, eut constaté son décès. La mort d'Inès faisait suite à un traumatisme cérébral résultant de sa chute au volant de son vélomoteur percuté par une automobile.
La mise en terre eut lieu en présence de témoins proches de la victime, et comme il est de coutume en Espagne et dans d'autres régions méditerranéennes, la famille et les amis demeurant au loin furent conviés à des obsèques plus solennelles, avec messe, repas et séances de recueillement et de prières, qui eurent lieu six jours après la mise en terre de la malheureuse.
Au jour dit, on déterra le cercueil, on le nettoya avant de les transporter en grande pompe à 1'église où, selon l'usage et le protocole, un service funèbre avec grand messe accompagnée de chants liturgiques, déploya ses fastes en présence de la famille et des autorités.
Or, lorsque les employés déposèrent la bière sur les tréteaux, l'assistance constata avec effroi, qu'il s'en échappait d'abondants et nauséabonds liquides, ce qui n'est pas inhabituel car les corps décomposés abandonnent volontiers leurs sanies. Mais, ce qui était moins habituel, était que dans le silence s'éleva un bruit de grattement provenant du cerceuil.
Devant l'incompréhension et la terreur qui s'empara de l'assistance, lorsque les préposés aux pompes funèbres furent convaincus que ces grattements n'étaient pas une simple illusion, le service funèbre fut interrompu.
Le cercueil fut ouvert et l'on put constater que la pauvre Inès n'était pas tout à fait morte, mais plongée dans un coma profond. Un docte professeur expliquait à ses voisines terrorisées qu'Inès se trouvait probablement en situation d'économie d'énergie métabolique et en état de déshydratation, car elle n'avait pas bu depuis plus de six jours. Cela lui avait permis de conserver une vie végétative jusqu'à cette minute.
Le savant homme, désignant ses doigts sanglants et tuméfiés, aux ongles rongés jusqu'à l'os, ses coudes à vif jusqu'aux tendons, affirma que la pauvre avait désespérément gratté les parois du cercueil et vainement tenté de les défoncer de l'intérieur.
La pauvre Inès avait, bien sûr, uriné et déféqué sous elle, voilà pourquoi le cercueil coulait plus abondamment que dans le cas d'une décomposition normale.
On transporta d'urgence la victime dans un hôpital où un service de réanimation permit de la garder en vie pendant plus de trente jours. Inès reprit conscience ensuite, et put même parler et s'alimenter seule durant une autre semaine. Mais après cette «résurrection» provisoire, une embolie cérébrale provoquée par une phlébite l'emporta brutalement alors qu'elle revenait à la vie.
Selon un médecin de la ville voisine appelé à son chevet, il s'agissait d'une embolie provoquée par un caillot de sang coagulé dans les artères maltraitées de ses jambes en raison d'une trop longue immobilisation accompagnée d'une déshydratation excessive.
Le caillot ainsi constitué se détacha, fila dans la circulation sous l'influence de la pression sanguine, et alla se loger dans une artère cérébrale, provoquant la destruction en chaîne de tissus neuroniques entraînant une paralysie des quatre membres, et une mort rapide par paralysie respiratoire.
L'histoire rapporte que Juana, la grand-mère maternelle d'Inès, avait elle aussi été enterrée vive quarante ans auparavant et avait été sauvée de la même manière après plusieurs jours passés sous terre.
Quant à son grand oncle Balthazar, laissé pour mort sur le champ de bataille lors de la guerre civile, il avait poussé un grand cri juste à temps, lorsque les croques-morts qui l'avaient jeté avec cent autres corps décomposés dans une fosse commune, allaient recouvrir les cadavres de chaux vive et de terre.
Le plus incroyable arriva, il y a vingt ans, à la petite fille d'Inès baptisée Juana du nom de son aïeule, qui fut déclarée morte à la suite d'une infection pulmonaire.
Inhumée le jour même de son décès, comme le furent sa mère et son aïeule, elle séjourna deux jours au cimetière avant d'en être exhumée à la demande de sa famille en vue d'un second service funèbre.
Dans son cas aussi, le miracle s'accomplit. Lorsque l'on ouvrit son cerceuil après que l'assistance eut entendu des bruits suspects, des toussotements et divers soupirs, on vit apparaître l'enfant bien en vie, les yeux ouverts et la bouche souriante malgré les quarante-huit heures passées sous terre.
Juana survécut, et, paraît-il vit toujours (2004).
Quant au Dr Jimenez il fut attaqué par la famille pour ce permis d'inhumer quelque peu hâtif rédigé selon les enquêteurs, en "état d'ébriété".
L'affaire fit grand bruit en Espagne et les autorités ayant pris conscience du risque engendré par l'habitude de mettre les morts en terre dans la journée même de leur supposé décès, envisagèrent de faire voter une loi exigeant un examen plus fiable de la personne décédée et un délai d'au moins trois jours avant les funérailles.
FIN
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La créature sauvage
20/04/2010 00:44
La créature sauvage
Dans les contrées sauvages de l’Amazonie, non loin d’Iquitos, la rivière de Purus prenait fin dans un large bassin naturel. Au bas de cette cascade bruyante et bouillonnante, les branches des arbres centenaires venaient pourlécher l'écume de l'instant. Tout autour, on pouvait distinguer de fines gouttelettes bleutées qui embrassaient les baies sauvages, révélant la rosée matinale.
Le pourpre des roses amazoniennes contrastait avec d’autres fleurs exotiques aux teintes opalines. Dans les replis naturels où les rayons du soleil ne pouvaient s’infiltrer, les fougères dissimulaient des serpents venimeux et d’autres reptiles visqueux tout aussi mortels. Posés sur des fleurs odoriférantes et épanouies, des papillons aux mille couleurs charmaient mes yeux. Des araignées hybrides, de la taille d’une main, tissaient entre les arbres des toiles soyeuses à l’élégante géométrie. En haut des arbres, je pouvais observer différentes races de primates qui envahissaient l’espace de leurs cris perçants.
Lors de mon excursion, destinée à analyser l’évolution de la faune et de la flore dans cette région oubliée des indigènes, mon attention fut captée par une grotte aux entrailles béantes, enveloppée d’une brume vaporeuse. Malgré ces abords sinistres, une attirance irrépressible me poussa à explorer dans la plus totale inconscience ce puits infernal situé non loin de la rivière. Par chance, j’avais en ma possession une corde solide, une machette et une puissante torche.
C’est sans doute en raison de l'incident tragique qui eut lieu lors de ma descente aux enfers, que je me suis retrouvé à l'hôpital du village le plus proche en plein délire, aux dires des hommes en blanc. Cette fascination me poussant au fin fond de l'inconnu m'a peut-être rendu fou...
De vagues souvenirs martèlent cependant mon cerveau. Je me rappelle l'atmosphère lourde qui régnait au sein de cet abîme. Je me souviens aussi qu'une odeur putride me donnait la nausée, entraînant des vertiges et troublant mes sens. J’ai en mémoire ce boyau qui se rétrécissait de plus en plus, protégé ainsi de toute intrusion humaine, et mes chairs cruellement meurtries par des dents acérées. La corde à laquelle j’étais attaché, qui mesurait une dizaine de mètres, prit fin peu avant que j’atteigne le sol.
Pris d'une peur panique, je voulais remonter pour m'enfuir de cette tombe qui semblait se trouver au coeur de l’enfer, mais je ne pouvais plus. Tous mes membres sous l’effort étaient tétanisés. Mes forces m’abandonnaient. J'étais au bord de l’épuisement. La pression de la corde sur mon thorax était si forte que j’avais peine à respirer. Je devais à tout prix m'en libérer à l’aide de la machette, car l’asphyxie me gagnait. Quelle ironie du sort...
Trancher la corde qui me rattachait à la vie, pour sceller mon destin, à jamais peut- être... Les blessures occasionnées par ma chute sur la terre moite me faisaient mal. Des égratignures tatouaient mes bras ainsi que mon visage. Je sentais le goût amer du sang couler sur mes lèvres, provenant sans doute d’une entaille au front.
Après ma chute, je ne saurais dire combien de temps je restai évanoui ni combien de jours s’écoulèrent. Quand je revins à moi, j’entrepris d’explorer les souterrains obscurs, gravés de signes et de dessins représentant des animaux aux formes inquiétantes, inconnus de moi.
Ces bêtes, disparues de la surface terrestre, ne ressemblaient en rien à celles qu’on reconstituait dans les musées de la préhistoire. Pas plus que n’était répertorié par l’institut géographique, ce tunnel creusé par l'érosion du temps qui était de la hauteur d'un homme de grande taille. Mes mains palpaient la roche humide. Une nappe phréatique devait couler non loin de là. Je marchais depuis une heure environ, bien que le temps n’ait eu aucune signification ici-bas, lorsque soudain, mes oreilles perçurent un bruissement.
Un étrange écho se répercutait derrière moi, autre que celui de mes pas. L’effroi me glaçait à tel point que je n’avais pas le courage de me retourner pour projeter ma torche dans l’obscurité. Cet endroit sinistre laissait pressentir que de terrifiantes horreurs étaient tapies dans les pores de la terre. Les ombres naturelles aux formes hideuses qui se créaient tout autour, rendaient l’atmosphère encore plus étrange. Ce climat angoissant fut accentué lorsque je découvris des ossements épars...
Depuis peu, et en raison de l’écho répété, j'avais la certitude d’être suivi. J’accélérai mon pas, mes sens n’étaient plus sûrs de ce qu'ils entendaient, ma main tremblait, et pourtant il fallait demeurer calme. Mais comment le rester lorsque l'on a derrière soi une chose émettant un sifflement immonde, et semblant se déplacer en rampant ? Face à moi se trouvait une bifurcation séparant le tunnel en deux couloirs, devant laquelle je m’arrêtai. Ressentant mon hésitation, la chose s'immobilisa.
Mais j'aurais encore mieux aimé entendre derrière moi ce bruit de reptation, plutôt que ce gargouillement innommable ne pouvant être produit par aucun organe humain, en provenance de l’une des deux galeries. Ce borborygme se faisait de plus en plus net, se rapprochant de moi, mais il m'était impossible d’en localiser la source exactement. Et derrière moi, la chose rampante reprenait son avancée malsaine.
Je devais briser cette barrière invisible de peur qui me paralysait. Je balayai cette obscurité épaisse du faisceau de ma torche qui hélas, se faisait de plus en plus faible. Ce n'est qu'à mon instinct de survie que je dus de ne pas tomber dans l'inconscience la plus totale. En effet, il y avait sur cette terre glaiseuse des empreintes de pieds de taille anormale, dont l’aspect rappelait celui de palmes... De plus, le relief de ces pas laissait imaginer la forte corpulence de la créature à laquelle ils appartenaient...
Le gargouillement au devant s'amplifia ! Je ne pouvais pas revenir en arrière car la chose m’attendait… Pourtant, fuir le danger est inutile lorsque l’on se trouve dans l’antre des prédateurs… Je décidai de faire demi-tour et de lui faire face. J’étais terrorisé. Qu’allais-je découvrir ? Venait-elle en amie ou en ennemie ?...
Son souffle tiède et fétide m’indiquait qu’elle était proche. Elle devait se trouver à quelques centimètres de moi. Une forme noire se dressa alors devant mes yeux. Très vite, je compris le danger. Je sentais la haine de la bête féroce m’envahir… Je tentai de lui assener un coup de poing… en vain. Mais peut-on assommer le vide ?
Cette chose se déplaçait rapidement, esquivant tous mes assauts. Des griffes aiguisées lacérèrent mon visage, me meurtrissant douloureusement. Des crocs puissants s’enfoncèrent dans mes cuisses... J’implorai que l'on me porte secours, mais seul l’écho de ma voix me venait en aide.
La pénombre rendait plus difficile la précision de mes attaques. Armé de la machette, je donnais des coups désordonnés qui parvinrent enfin à toucher mon adversaire, pour pénétrer lentement dans un corps mou. Un râle intense de souffrance retentit dans toute la grotte, laissant place quelques minutes plus tard à un silence morbide. La lutte était terminée.
Impossible dans cette obscurité de distinguer le moindre trait de l'animal que j'avais vaincu car la lumière qui guidait mon pas aveugle dans ces méandres de l'horreur venait de m’abandonner. Eprouvé par le combat, je pris au hasard le tunnel de droite aux dimensions plus réduites pour me sortir de cet univers halluciné. Quelques instants après, des bruits sourds se firent entendre, mais je savais que ce n’était pas la chose rampante. Je luttai pour ne pas céder à la panique. Une autre créature immonde venait à moi, sûrement alertée par les bruits du combat. Elle était désormais toute proche…
Mais combien étaient-elles ? Où se cachaient-elles ?... Ne cherchant pas de réponses à mes questions je me mis à courir, trébuchant sur des pierres et me heurtant aux parois qui envenimaient mes blessures. Soudain, un cri tout droit sorti des gorges de l'enfer me terrorisa. Tout semblait indiquer que la créature pleurait son compagnon. Le hurlement qu'elle exhala indiquait clairement son odieux objectif. Je n'avais aucune chance de survie dans cette grotte ignorée des hommes, et habitée par quelque puissance infernale...
Au bout du tunnel, j'aperçus de la lumière qui se propageait dans une autre galerie. Je m’y précipitai hâtivement malgré les blessures que m’avait causé la bataille. Je ne saurais donner une explication sensée, mais toute la crypte, gelée par les siècles, était illuminée. Une rivière souterraine y coulait paisiblement.
Des stalactites aux couleurs de l’arc-en-ciel menaçaient de tomber, tandis qu’une musique venue d’ailleurs m'enveloppait dans une extase infinie. Des chauves-souris aux membranes osseuses étaient suspendues à ces pics opaques faits de glace. Il me semblait même entendre le chant des oiseaux... Quel paradoxe de douceur dans ce cauchemar démoniaque qui ne voulait pas en finir !
Leurs chants suaves, unis au murmure cristallin de la rivière, s’effacèrent peu à peu pour laisser place à une autre musique. Pareilles dissonances n’auraient pu être imaginées par aucun compositeur digne de ce nom. L’indiscible approchait dans un fracas sourd. Les chauves-souris et les oiseaux, affolés, s’envolèrent dans la plus grande des confusions. La rivière me sembla changer de couleur. Des rongeurs sortis de nulle part semblaient effrayés, le climat dans ce noyau infernal était apocalyptique.
C’est alors qu’au loin dans un recoin, une silhouette se dessina lentement. La vision de cette... atrocité… fit cesser les battements de mon coeur. Elle était difforme et voûtée, ses yeux mi-clos étaient révulsés de haine, ses pieds étaient palmés et ses mains griffues. Tous les démons de l'enfer s'étaient acharnés sur cette horreur supraterrestre. Un liquide verdâtre suintait de son orifice ombilical de manière écoeurante… de longs poils noirs et épais recouvraient tout son corps… Elle semblait être dotée d’une force surhumaine. L'écume de la démence aux lèvres, le monstre vociféra dans un dialecte incompréhensible....
Mon récit doit s'achever là, car je ne suis plus très sûr de m’être engagé dans un autre tunnel pour descendre inexorablement au plus profond de la terre, afin d’échapper à cette chose maudite qui a été un jour, je pense... un homme ! Pourtant, j’ai la certitude que l’on m’a transporté sur le rivage de Manaus, pour que quelqu’un me découvre et me transporte dans l’unique hôpital psychiatrique de la région.
Je n’ose imaginer que cette chose innommable soit sortie de sa tanière pour m’y déposer, bravant tous les dangers, et surtout le regard des autres. Quelle en aurait été la raison ?... Une question hante mon esprit : y avait-il une autre personne dans cette grotte, témoin de mon malheur ?... Autant de questions qui resteront sans réponse. Si l'on me demandait de relater mon histoire, je répondrais qu'une amnésie partielle l'a effacée de ma mémoire. D’ailleurs, qui me croirait ?
Lorsque la nuit généreuse dévoile ses mille lumières, j'entends depuis ma chambre d’hôpital, dominant un vaste parc longé par une rivière vaseuse, un bruit de reptation associé à ce sifflement immonde que je ne pourrai jamais oublier, et qui ne peut provenir que de...
Elle m'a retrouvé… et elle m’attend !
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