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Conte : Les fantômes
19/10/2008 22:45
Les fantômes
"Il était une fois, dans un pays du Nord de l'Europe, un prince qui vivait dans une vaste demeure. Cette ancienne bâtisse était hantée depuis quatre siècles par un fantôme. Ce prince blond et charmant, avait une curieuse manie. Tous les soirs, à minuit, il faisait sonner chaque horloge du château, non pas douze, ni vingt-quatre coups mais ... trente-six ou quarante-huit ..."
Linford, car tel était son nom, "aimait tellement cette heure-là, qu'il ne se lassait pas de l'entendre. Ce qui avait le don d'ennuyer et même d'énerver au plus haut point Hantérémol le fantôme de ces lieux."
Or un soir, au moment où minuit sonne, Hantérémol ne peut supporter le bruit désagréable de toutes ces horloges. Désespéré, mais aussi fou de rage, il traverse en un seul tourbillon les murs épais du château. Il file dans toutes les vieilles demeures du voisinage pour y trouver d'autres fantômes. Il invite Hanticalcaire, Hantimoustique, Hantivirus, Hantibruit, Hantiseptique et bien d'autres. Profitant de la nuit noire, toute la bande revient dans la vaste demeure. Ils se regroupent dans les combles du grenier, près des chouettes qui en profitent pour hululer. Les fantômes mettent au point un plan diabolique qui découragera le prince de sa curieuse manie de minuit. Mais bientôt le jour se lève les fantômes disparaissent dans la tombe d'Hantérémol, l'ancien maître des lieux.
Le lendemain à minuit moins cinq, tous les fantômes se cachent. Hanticalcaire, dans les WC, Hantimoustique dans le lit, Hantivirus, dans la boîte à pharmacie, Hantibruit dans la boîte à coton et Hantiseptique dans la fosse à purin. Les autres s'étant cachés : dans les horloges, les pendules, les pendulettes et même dans les montres à gousset. Hantérémol comme d'habitude était dans la grosse cloche du donjon. A minuit, tous attendent l'horrible manie du prince, mais rien ne se passe ! Le prince était-il endormi? Mort? Rien de tout cela ... Notre gentil prince était en galante compagnie.
Linford avait invité ce soir-là, la princesse Flora, fille du roi de la vallée voisine. Il ne se lasse pas d'admirer les yeux bleus et rieurs de sa compagne, ses longs cheveux qui tombent sur ses fragiles épaules. La splendide robe ornée de diamants lui donne un teint délicat.
Hantérémol déçu, s'excuse auprès de ses amis. Ceux-ci restent sourds aux paroles du fantôme des lieux et, en un seul souffle, disparaissent vers leurs demeures. Honteux, Hantérémol pousse un très long Hou... ou ou ouh ! Les murs tremblent, la princesse terriblement effrayée se blottit dans les bras du prince. - N'ayez crainte, je suis là. - Je n'ai pas peur dans vos bras. Hantérémol entend, il a une idée pour le lendemain.
Le jour suivant, Flora étant repartie, le prince inquiet cherche la cause du hurlement de la nuit. Il visite : souterrains, caves, couloirs secrets, tours, donjon et greniers. Le pauvre va partout : il marche, court, monte, descend, grimpe, saute ... Jusqu'à épuisement. Pas le moindre indice. Il va questionner tous les serviteurs du château. -Avez-vous entendu, la nuit dernière un bruit étrange? -Oui, même un mort l'aurait entendu ! Alors, le plus vieux serviteur du château s'approche à pas lents. Il est voûté par les ans, son visage est défiguré par de profondes rides; d'une voix chevrotante, il raconte qu'un fantôme hante la demeure qu'il doit s'agir d'un lointain ancêtre du prince.
" Il y a longtemps, un prince du château rencontra une belle princesse de la famille de Flora. Il l'invita un soir à venir dîner chez lui. Quelque temps plus tard, ils se marièrent, en invitant à la noce, tous les villageois et même une marraine du prince qui était sorcière. Le marié demanda comme cadeau, un poignard en or. Il croyait qu'en poignardant sa femme, le soir de sa noce, il deviendrait le plus puissant roi de la planète. Il le fit ! Mais sous les yeux terrorisés des invités, il se transforma en fantôme, puis disparut! En effet, le poignard était le cadeau de sa marraine la sorcière. Les cloches du donjon, mais aussi toutes les pendules du château sonnèrent. Il était minuit, quelqu'un cria : - Maudit soit ce prince, appelons-le Hantérémol.
Après avoir écouté le vieux serviteur, le prince se promène dans le parc. Ses pas le conduisent vers la tombe de ses ancêtres. Son regard est attiré par une pierre tombale où rien n'est gravé! C'est sûrement la tombe d'Hantérémol! Le gardien du château arrive en disant: - Prince, vous avez une visite, c'est la princesse Flora. Le jeune homme regagne à toutes jambes le château. Dans le hall d'entrée, le prince l' invite à passer au salon. Là, il lui raconte l'épouvantable histoire de leurs ancêtres... Aux dernières paroles, Flora commence à trembler. - Arrêtez, j'en ai assez entendu ! Elle s'enfuit dans la nuit tombante. Quelques sinistres craquements étouffent le bruit de ses pas dans l'allée du parc. Heureusement, elle ignore que derrière les grands arbres, deux yeux blancs de fantôme l'espionnent !
Hantérémol, comme la veille, pousse un long hurlement. - Ouh ouh ! Flora s'affole, deux yeux blancs brillants lui barrent le chemin. Alors, elle les contourne en quittant l'allée. La jeune fille court parmi les arbres, les haies, sa belle robe s'accroche puis se déchire. Son collier s'arrache, les perles tombent.
Après quelques minutes interminables, Flora perdue arrive devant la tombe des ancêtres du prince. Epuisée, elle s'assoit sur la pierre tombale. Hantérémol apparaît, bascule la pierre. Flora tombe dans le trou et s'évanouit. Le fantôme avec un ricanement sinistre, repousse la pierre puis s'envole vers le donjon.
Le prince entend et appelle ses serviteurs. - Domestiques, venez avec moi, j'ai peur que Flora ne soit en danger! - Non, Hantérémol est dehors, nous avons peur de lui. Avec courage, seul, le jeune homme muni d'une bougie s'aventure dans les ténèbres de la nuit. Tout à coup, dans l'herbe, quelque chose brille. Le prince s'approche et ramasse ... Une perle! - Mais c'est une perle du collier de Flora! Il avance et ô surprise, une autre perle, puis encore une autre. Une à une, le prince les ramasse. Petit à petit, il arrive à la tombe de ses ancêtres. Un morceau de tissu, coincé par la pierre tombale prouve qu'il est sur la bonne piste. - Oh! Un morceau de la robe de Flora. Le jeune homme pousse la pierre qui glisse sans difficulté, car les yeux fermés, le fantôme lui aussi pousse la pierre. Un air glacial s'échappe de la tombe, fouette le visage du prince et éteint la bougie. - Au secours! Qui me pousse, je tombe. - C'est moi, Ah! Ah! Ah! Crie Hantérémol. Et la pierre se referme.
En tombant, le prince réveille Flora. - Qui est là? - C'est moi le prince Linford! C'est vous Flora? - Oui, que j'ai peur dans cette obscurité! Il allume la bougie grâce à un morceau d'amadou. Tout autour d'eux, des toiles d'araignées, quelques rats apeurés se sauvent. Une odeur de moisissure empeste la tombe. Lindord prend la main tremblante de la jeune fille. - Regardez, la flamme s'incline s'écrie le prince, il y a un courant d'air! Cela vient bien de quelque part! Rapidement, ils trouvent un passage. - Suivez-moi, ne lâchez pas ma main, lance le prince. Pendant de longues minutes, ils avancent pour enfin arriver à une rivière souterraine. Tirée sur la rive, une vieille barque semble les attendre. Les jeunes gens sans réfléchir s'installent dans le bateau qui se laisse emporter par le courant. Epuisés, ils s'endorment bercés par les flots. Le temps passe ... A l'aube, un pâle soleil les tire de leur sommeil. - Où sommes-nous? Demande Flora - Je ne sais pas, mais nous sommes libres.
Ils regardent autour d'eux, soudain le prince dit à Flora: - Nous sommes au milieu d'un étang. En effet, malgré la brume qui enveloppe le paysage, les jeunes gens admirent les nénuphars en fleurs, les roseaux courbés par une brise légère. Parmi les joncs, quelques cygnes nagent tranquillement. Tout à coup, Lindford et Flora entendent une magnifique mélodie. Une lumière jaillit de l'eau claire. Une ravissante jeune fille sort des flots et vient vers eux en disant: - Je suis la femme d'Hantérémol, je suis devenue une fée juste après qu'il m'ait tuée. Je veille à ce qu'il ne fasse pas trop de mal autour de lui. C'est moi qui vous ai envoyé la barque sur la rive de la rivière souterraine. Après ces paroles, la femme d'Hantérémol appelle trois cygnes qu'elle transforme en trois magnifiques chevaux blancs.
Les jeunes gens conduits par la fée prennent le chemin du château. Tout en parlant, Flora observe la femme d'Hantérémol. Elle est restée jeune, belle et sa robe est toujours aussi blanche. Tout à coup, pour ralentir son cheval, la fée bouge ses bras. Un point brillant sur une tache rouge apparaît sur la belle robe . Ce détail n'a pas échappé à Flora. Discrètement, elle s'avance vers Linford qui, lui aussi a remarqué. - Je vois ce qui vous intrigue dit la fée. - C'est donc vrai, vous avez reçu un coup de poignard! s'écrie Flora.
- Oui, hélas! Je ne croyais pas que mon mari aurait pu m'assassiner le jour de nos noces. - Pourquoi ne retirez-vous pas le poignard demande Linford. -Seul Hantérémol peut le faire. - Pourquoi ne le fait-il pas? - Hantérémol ignore que je suis en vie, sous l'apparence d'une fée. - Pourrions-nous vous aider? - Oui, mais comment?
Le long de la route, ils organisent un plan pour mettre fin à la triste vie de la fée. En arrivant au château, les serviteurs entendent le bruit des chevaux. Ils se précipitent à l'entrée. Le plus vieux s'agenouille aux pieds de la fée. Il a reconnu d'après la légende, l'ancêtre de Flora, poignardée le soir de ses noces. Devant un tel accueil, la fée est très touchée, quelques larmes discrètes font briller ses doux yeux. Elle retrouve le château où elle aurait dû passer sa vie. Elle revoit aussi le jour de son mariage, ses parents, ses soeurs, ses frères, ses amis, tous les invités et même la marraine de son mari.
En rentrant dans la grande salle du château, une vive douleur se fait sentir, là où est le poignard. Elle revoit le visage d'Hantérémol mais bien vite la scène du passé lui revient.
Il est minuit moins dix, le château est enveloppé d'une épaisse couche de brouillard. Pas un bruit, tout est noir! Linford agite la grosse cloche du donjon, les murs tremblent! Hantérémol, comme d'habitude est caché dans la cloche. Le bruit lui déchire les oreilles. - Arrêtez ce vacarme! Ma tête va éclater! Linford surpris arrête. - Qui est là? Aucune réponse, mais la douce mélodie entendue au lac s'empare de la demeure. Chose étrange, un homme descend de la grosse cloche. En effet, la musique vient de transformer Hantérémol qui a repris une apparence humaine: costume de mariage, chaussures de cuir ... Exactement comme le jour de son mariage. - Nous vous attendions Hantérémol! - Je ne m'appelle plus Hantérémol, je suis le prince Drofnil. Bercés par la mélodie, ils descendent l'escalier qui mène à la grande salle. Curieusement, le prince Drofnil sent une douleur aiguë sur son côté, comme si on le poignardait. Les deux hommes pénètrent dans la grande salle. La fée est couchée sur le sol, Flora est près d'elle, à ses genoux. La mélodie s'est tue car la fée souffre terriblement. Le prince Drofnil reconnaît immédiatement sa femme.
- Retirez-lui le poignard supplie Flora. - C'est impossible, il nous faut l'aide de ma marraine, la sorcière. A ce moment précis, une porte claque, des pas résonnent sur le plancher. Une vieille femme apparaît , le prince Drofnil et la fée reconnaissent la marraine.
Le prince Drofnil s'approche de la fée, mais plus il avance et plus il souffre. Elle aussi ressent la même douleur que son époux. La marraine avance vers son filleul, lui prend la main et l'entraîne vers le poignard. Mais la souffrance est telle que la fée meurt. Un grand silence s'abat. Le prince Drofnil éclate en sanglots et murmure à l'oreille de la fée: - Pardonne-moi, mon orgueil. Ma folie du pouvoir m'avait transformé en assassin. Depuis quatre siècles le remords m'étouffe. Tous les soirs à minuit, pendant ces années, j'ai revu ton si beau visage qui se transformait sous la douleur du coup de poignard et, quand Linford faisait sonner les cloches, alors, une douleur atroce me transperçait le coeur. La marraine lâche la main du prince, il en profite alors pour s'emparer du poignard planté dans la fée. Il tire de toutes ses forces. La lame à peine sortie, la blessure se referme, la tache rouge s'efface, la vie revient, ce n'est plus une fée, mais la jeune mariée.
- Laure, je te retrouve après tant d'années... Le soleil se lève sur le château, les oiseaux chantent, le ciel est bleu. Les jeunes gens après une nuit mouvementée, décident de se promener dans le parc. Tout naturellement, ils arrivent à la tombe. A leur grande surprise, gravé dans la pierre, ils peuvent lire : " LE COMTE ET LA COMTESSE DE DROFNIL 8 juillet 1810 " Soudain Flora s'écrie : - Mais c'est la date d'aujourd' hui ! Pour toutes réponses, Drofnil et Laure se contentent de sourire... Après une brève conversation, Linford et Flora décident de se marier le soir même. Pendant que le Comte Drofnil donne des ordres aux serviteurs, Linford va demander la main de Flora au roi de la vallée voisine.
Il est vingt et une heures, tout autour de la table, les invités parlent car l'après-midi a vu une splendide cérémonie célébrant les noces. Les jeunes mariés ouvrent le bal. Villageois et villageoises dansent, le Comte Drofnil parle avec la marraine et se met à écrire. Vers minuit moins cinq, la musique s'arrête: - En l'honneur de notre mariage, je vais faire sonner les cloches, déclare Linford. Il n'en a pas le temps: Est-ce les fantômes? Toutes les pendules, les pendulettes, les horloges, la grosse cloche du donjon et même les montres à gousset se mettent à sonner seules. A ce moment précis, sous les yeux étonnés des convives, Drofnil et Laure se transforment en fantômes, le Comte a à peine le temps de crier : - Le poignard... La marraine tend à Flora le poignard brisé. Dans le manche, un papier est caché. Linford le lit tout haut : " Chers amis, nous vous quittons pour rejoindre le pays du lac à la douce mélodie. Vous nous y retrouverez quand votre vie s'éteindra."
Et depuis ce jour, à minuit, dans le château, Linford et Flora peuvent entendre une douce mélodie.
FIN
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Conte : La bête de Brielles
20/10/2008 01:20
La bête de Brielles
S’il y a des lutins et des animaux bienfaisants dans nos campagnes, il n’en est pas de même de la bête de Brielles qui renverse toutes les personnes qu’elle rencontre sur son chemin, et qui ne cherche qu’à lutter, le soir, avec les gars du pays. Malheureusement, ces luttes sont presque toujours mortelles, pour les jeunes audacieux qui ont osé résister à cette abominable bête.
Elle apparaît le plus souvent, sous la forme d’un mouton on d’un chien. Cependant quelquefois elle ressemble à un cheval gigantesque.
À Brielles, au Pertre, et dans les communes voisines, on l’appelle la bête de Brielles ; à Gennes, c’est Birette, à Étrelles c’est le Biheron.
On croit que cette bète change de forme chaque nuit. Elle ressemble à tel ou tel animal, selon qu’elle s’est roulée sur la fiente d’un mouton, d’une chèvre, d’un chat, d’un chien, d’un cheval, etc...
Il y a tantôt trente ans, un garçon meunier avait à traverser un ruisseau sur une planche jetée en travers d’un cours d’eau. Il est bon de dire qu’il était un brin ivre. Au moment où il allait mettre le pied sur la planche, il aperçut, à l’autre extrémité, un gros mouton noir qui venait en sens inverse. « Nous allons bien voir si je vais te laisser la place, s’écria le gars, et ils marchèrent l’un vers l’autre jusqu’au milieu de la planche où une lutte terrible s’engagea. Le mouton donnait force coups de tête, l’homme cherchait à happer l’animal à la brassée. Vingt fois ils tombèrent dans le ruisseau, vingt fois ils remontèrent sur la planche. Le meunier n’en pouvait plus, il était haletant, couvert de sueur et de contusions. La lutte avait commencé à onze heures du soir et le jour allait poindre. D’un dernier et vigoureux coup de tête, le mouton culbuta son adversaire dans le ruisseau et prit la fuite.
Le pauvre meunier, lui, se traîna jusqu’à son moulin, où il s’étendit sur son lit pour ne plus se relever. Le lendemain, il expira.
Lorsqu’une personne est dangereusement malade, si quelqu’un des siens est assez malin pour surprendre la bête de Brielles, lui lancer la lame d’un couteau entre les deux yeux et faire couler au moins trois gouttes de sang on peut être assuré que le malade guérira.
À la ferme de la Marche, dans la commune du Pertre, vivaient, il y a soixante ans, le père Clouet, sa femme et sa nièce. Un soir que le repas était achevé, les deux femmes lavaient la vaisselle près de la fenêtre, pendant que le vieillard, dangereusement malade, geignait en se dolant dans son lit, quand tout à coup la mère Clouet aperçut, dans la cour de la ferme, caché sous une charrette, un animal aux yeux brillants braqués sur la fenêtre. Pas de doute possible, c’était la bête de Brielles qui venait assister à l’agonie du pauvre vieux. Bien que saisie de peur, elle songea à son homme qui, à ce moment, se plaignait plus fort que jamais. Elle prit un couteau dans sa pochette, l’ouvrit doucement et le lança si adroitement qu’il alla frapper la bête juste entre les deux yeux. L’animal poussa un cri de douleur et se sauva.
Les deux femmes sortirent aussitôt pour voir s’il y avait du sang de répandu. Elles constatèrent avec joie qu’il y en avait, non seulement sur la lame du couteau, mais aussi par terre. Lorsqu’elles rentrèrent au logis, le père Clouet se sentait déjà mieux, et, le lendemain, il était hors de danger.
La bête de Brielles existe toujours. Il y a peu d’années, dans la commune du Pertre, près le village de la Mançonnière, qui est situé sur la limite des départements de l’Ille-et-Vilaine et de la Mayenne, passait sur la route stratégique une voiture pesamment chargée. Il était tard, le conducteur marchait à côté de ses chevaux en les excitant du fouet, lorsqu’il vit un gros chat couché sur le revers d’un talus. Il lui allonge un coup de fouet en disant : « Tant pire pour toi si tu es la bête de Brielles. » L’animal fit « Foutt foutt foutt, » et sauta sur l’échalier du champ d’où il regarda sournoisement le charretier. Celui-ci le poursuivit et le frappa de nouveau. Ce fut trop : le chat s’élança sur son agresseur et le mordit cruellement au bras.
Depuis cette morsure le malheureux conducteur a contracté une odeur tellement insupportable qu’on le fuit comme la peste ; les cabarets lui sont interdits ; il reste à la porte des églises sans oser y entrer et sa femme l’a abandonné.
FIN
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Conte : La jeune fille sans mains
20/10/2008 01:37
La jeune fille sans mains
Il était une fois, il y a quelques jours, à l'époque où la farine des villageois était écrasée à la meule de pierre, un meunier qui avait connu des temps difficiles. Il ne lui restait plus que cette grosse meule de pierre dans une remise et, derrière, un superbe pommier en fleur. Un jour, tandis qu'il allait dans la forêt couper du bois mort avec sa hache au tranchant d'argent, un curieux vieillard surgit de derrière un arbre. "A quoi bon te fatiguer à fendre du bois ? dit-il. Ecoute, si tu me donnes ce qu'il y a derrière ton moulin, je te ferai riche.
- Qu'y a-t-il, derrière mon moulin, sinon mon pommier en fleurs ? pensa le meunier. Il accepta donc le marché du vieil homme. - Dans trois ans, je viendrai chercher mon bien, gloussa l'étranger, avant de disparaître en boitant derrière les arbres. "
Sur le sentier, en revenant, le meunier vit son épouse qui volait à sa rencontre, les cheveux défaits, le tablier en bataille. " Mon époux, mon époux, quand l'heure a sonné, une pendule magnifique a pris place sur le mur de notre maison, des chaises recouvertes de velours ont remplacé nos sièges rustiques, le garde-manger s'est mis à regorger de gibier et tous nos coffres, tous nos coffrets débordent. Je t'en prie, dis-moi ce qui est arrivé ? " Et, à ce moment encore, des bagues en or vinrent orner ses doigts tandis que sa chevelure était prise dans un cercle d'or.
"Ah", dit le meunier, qui, avec une crainte mêlée de respect, vit alors son justaucorps devenir de satin et ses vieilles chaussures, aux talons si éculés qu'il marchait incliné en arrière, laisser la place à de fins souliers. "Eh bien, tout cela nous vient d'un étranger, parvint-il à balbutier. J'ai rencontré dans la forêt un homme étrange, vêtu d'un manteau sombre, qui m'a promis abondance de biens si je lui donnais ce qui est derrière le moulin. Que veux-tu, ma femme, nous pourrons bien planter un autre pommier…
- Oh, mon mari ! gémit l'épouse comme foudroyée. Cet homme au manteau sombre, c'était le Diable et derrière le moulin il y a bien le pommier, mais aussi notre fille, qui balaie la cour avec un balai de saule." Et les parents de rentrer chez eux d'un pas chancelant, répandant des larmes amères sur leurs beaux habits.
Pendant trois ans, leur fille resta sans prendre époux. Elle avait un caractère aussi doux que les premières pommes de printemps. Le jour où le diable vint la chercher, elle prit un bain, enfila une robe blanche et se plaça au milieu d'un cercle qu'elle avait tracé à la craie autour d'elle. Et quand le diable tendit la main pour s'emparer d'elle, une force invisible la repoussa à l'autre bout de la cour. "Elle ne doit plus se laver, hurla-t-il, sinon je ne peux l'approcher." les parents et la jeune fille furent terrifiés. Quelques semaines passèrent. La jeune fille ne se lavait plus et bientôt ses cheveux furent poisseux, ses ongles noirs, sa peau grise, ses vêtements raides de crasse. Chaque jour, elle ressemblait de plus en plus à une bête sauvage.
Alors le diable revint. La jeune fille se mit à pleurer. Ses larmes coulèrent tant et tant sur ses paumes et le long de ses bras que bientôt ses mains et ses bras furent parfaitement propres, immaculés. Fou de rage, le diable hurla : "Coupe-lui les mains, sinon je ne peux m'approcher d'elle !" Le père fut horrifié : "Tu veux que je tranche les mains de mon enfant ? - Tout ici mourra, rugit le Diable, tout, ta femme, toi, les champs aussi loin que porte son regard :" Le père fut si terrifié qu'il obéit. Implorant le pardon de sa fille, il se mit à aiguiser sa hache. Sa fille accepta son sort. "Je suis ton enfant, dit-elle, fais comme tu dois." Ainsi fit-il, et nul ne sait qui cria le plus fort, du père ou de son enfant. Et c'en fut fini de la vie qu'avait connue la jeune fille.
Quand le diable revint, la jeune fille avait tant pleuré que les moignons de ses bras étaient de nouveau propres et de nouveau, il se retrouva à l'autre bout de la cour quand il voulut se saisir d'elle. Il lança des jurons qui allumèrent de petits feux dans la forêt, puis disparut à jamais, car il n'avait plus de droits sur elle. Le père avait vieilli de cent ans, tout comme son épouse. Ils s'efforcèrent de faire aller, comme de vrais habitants de la forêt qu'ils étaient. Le vieux père proposa à sa fille de vivre dans un beau château, entourée pour la vie de richesses et de magnificence, mais elle répondit qu'elle serait mieux à sa place en mendiant désormais sa subsistance et en dépendant des autres pour vivre.
Elle entoura donc ses bras d'une gaze propre et, à l'aube quitta la vie qu'elle avait connue. Elle marcha longtemps. Quand le soleil fut au zénith, la sueur traça des rigoles sur son visage maculé. Le vent la décoiffa jusqu'à ce que ses cheveux ressemblent à un amas de brindilles. Et au milieu de la nuit elle arriva devant un jardin royal où la lune faisait briller les fruits qui pendaient aux arbres. Une douve entourait le verger et elle ne put y pénétrer. Mais elle tomba à genoux car elle mourait de faim. Alors, un esprit vêtu de blanc apparut et toucha une des écluses de la douve, qui se vida.
La jeune fille s'avança parmi les poiriers. Elle n'ignorait pas que chaque fruit, d'une forme parfaite, avait été compté et numéroté , et que le verger était gardé ; néanmoins, dans un craquement léger, une branche s'abaissa vers elle de façon à mettre à sa portée le joli fruit qui pendait à son extrémité. Elle posa les lèvres sur la peau dorée d'une poire et la mangea, debout dans la clarté lunaire, ses bras enveloppés de gaze, ses cheveux en désordre, la jeune fille sans mains pareille à une créature de boue. La scène n'avait pas échappé au jardinier, mais il n'intervint pas, car il savait qu'un esprit magique gardait la jeune fille. Quand celle-ci eut fini de manger cette seule poire, elle retraversa la douve et alla dormir dans le bois, à l'abri des arbres.
Le lendemain matin, le roi vint compter ses poires. Il s'aperçut qu'il en manquait une, mais il eut beau regarder partout, il ne put trouver le fruit. La jardinier expliqua : "La nuit dernière, deux esprits ont vidé la douve, sont entrés dans le jardin quand la lune a été haute et celui qui n'avait pas de mains, un esprit féminin, a mangé la poire qui s'était offerte à lui." Le roi dit qu'il monterait la garde la nuit suivante. Quand il fit sombre, il arriva avec son jardinier et son magicien, qui savait comment parler avec les esprits. Tous trois s'assirent sous un arbre et attendirent.
A minuit, la jeune fille sortit de la forêt, flottant avec ses bras sans mains, ses vêtements sales en lambeaux, ses cheveux en désordre et son visage sur lequel la sueur avait tracé des rigoles, l'esprit vêtu de blanc à ses côtés. Ils pénétrèrent dans le verger de la même manière que la veille et de nouveau, un arbre mit une branche à la portée de la jeune fille en se penchant gracieusement vers elle et elle consomma à petits coups de dents le fruit qui penchait à son extrémité. Le magicien s'approcha d'eux, un peu mais pas trop. "Es-tu ou n'es-tu pas de ce monde ?" demanda-t-il. Et la jeune fille répondit : "J'ai été du monde et pourtant je ne suis pas de ce monde." Le roi interrogea le magicien : "Est-elle humaine ? Est-ce un esprit ?" le magicien répondit qu'elle était les deux à la fois.
Alors le cœur du roi bondit dans sa poitrine et il s'écria : "Je ne t'abandonnerai pas. A dater de ce jour, je veillerai sur toi." Dans son château, il fit faire, pour elle une paire de mains en argent, que l'on attacha à ses bras. Ainsi le roi épousa-t-il la jeune fille sans mains. Au bout de quelque temps, le roi dut partir guerroyer dans un lointain royaume et il demanda à sa mère de veiller sur sa jeune reine, car il l'aimait de tout cœur. "Si elle donne naissance à un enfant, envoyez-moi, tout de suite un message." La jeune reine donna naissance à un bel enfant.
La mère du roi envoya à son fils un messager pour lui apprendre la bonne nouvelle. Mais, en chemin, le messager se sentit fatigué, et, quand il approcha d'une rivière, le sommeil le gagna, si bien qu'il s'endormit au bord de l'eau. Le diable sortit de derrière un arbre et substitua au message un autre disant que la reine avait donné naissance à un enfant qui était mi-homme mi-chien. Horrifié, le roi envoya néanmoins un billet dans lequel il exprimait son amour pour la reine et toute son affection dans cette terrible épreuve. Le jeune messager parvint à nouveau au bord de la rivière et là, il se sentit lourd, comme s'il sortait d'un festin et il s'endormit bientôt.
Là-dessus le diable fit son apparition et changea le message contre un autre qui disait : "Tuez la reine et son enfant." La vieille mère, bouleversée par l'ordre émis par son fils, envoya un messager pour avoir la confirmation. Et les messagers firent l'aller-retour. En arrivant au bord de la rivière, chacun d'eux était pris de sommeil et le Diable changeait les messages qui devenaient de plus en plus terribles, le dernier disant : "Gardez la langue et les yeux de la reine pour me prouver qu'elle a bien été tuée."
La vieille mère ne pouvait supporter de tuer la douce et jeune reine. Elle sacrifia donc une biche, prit sa langue et ses yeux et les tint en lieu sûr. Puis elle aida la jeune reine à attacher son enfant sur son sein, lui mit un voile et lui dit qu'elle devait fuir pour avoir la vie sauve. Les femmes pleurèrent ensemble et s'embrassèrent, puis se séparèrent. La jeune reine partit à l'aventure et bientôt elle arriva à une forêt qui était la plus grande, la plus vaste qu'elle avait jamais vue. Elle tenta désespérément d'y trouver un chemin. Vers le soir, l'esprit vêtu de blanc réapparut et la guida à une pauvre auberge tenue par de gentils habitants de la forêt. Une autre jeune fille vêtue d'une robe blanche, la fit entrer en l'appelant Majesté et déposa le petit enfant auprès d'elle. "Comme sais-tu que je suis reine ? demanda-t-elle.
- Nous les gens de la forêt sommes au courant de ces choses-là, ma reine. Maintenant, reposez-vous." La reine passa donc sept années à l'auberge, où elle mena une vie heureuse auprès de son enfant. Petit à petit, ses mains repoussèrent. Ce furent d'abord des mains d'un nourrisson, d'un rose nacré, puis des mains de petite fille et enfin des mains de femme.
Pendant ce temps, le roi revint de la guerre. Sa vieille mère l'accueillit en pleurant. "Pourquoi as-tu voulu que je tue deux innocents ?" demanda-t-elle en lui montrant les yeux et la langue ? En entendant la terrible histoire, le roi vacilla et pleura sans fin. Devant son chagrin, sa mère lui dit que c'étaient les yeux et la langue d'une biche, car elle avait fait partir la reine et son enfant dans la forêt. Le roi fit le vœu de rester sans boire et sans manger et de voyager jusqu'aux extrémités du ciel pour les retrouver. Il chercha pendant sept ans. Ses mains devinrent noires, sa barbe se fit brune comme de la mousse, ses yeux rougirent et se desséchèrent. Il ne mangeait ni ne buvait, mais une force plus puissante que lui l'aidait à vivre.
A la fin, il parvint à l'auberge tenue par les gens de la forêt. La femme en blanc le fit entrer et il s'allongea, complètement épuisé. Elle lui posa un voile sur le visage. Il s'endormit et, tandis qu'il respirait profondément, le voile glissa petit à petit de son visage. Quand il s'éveilla une jolie femme et un bel enfant le contemplaient. "Je suis ton épouse et voici ton enfant." Le roi ne demandait qu'à la croire, mais il s'aperçut qu'elle avait des mains.
"Mes labeurs et mes soins les ont fait repousser", dit la jeune femme. Alors la femme en blanc tira les mains en argent du coffre dans le quel elles étaient conservées. Le roi se leva étreignit son épouse et son enfant et, ce jour-là, la joie fut grande au cœur de la forêt. Tous les esprits et les habitants de l'auberge prirent part à un splendide festin. Par la suite, le roi, la reine et leur fils revinrent auprès de la vieille mère, se marièrent une seconde fois, eurent beaucoup d'autres enfants, qui tous racontèrent cette histoire à des centaines d'autres, tout comme vous faites partie de cette centaine d'autres à qui je la raconte.
FIN
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