
On respectait donc sa solitude, ne venant la consulter que pour identifier les champignons incertains, pour chercher un remède contre la toux ou les rhumatismes, ou pour un accouchement difficile. Parfois, les jeunes filles allaient lui conter leur peines de coeur. C'était une épaule sur laquelle on pouvait toujours compter.
Un jour, la blonde Aenys, la fille du tonnelier, trouva la porte grande ouverte et la salle dévastée, la vaisselle brisée entre les meubles renversés. Et dans la chambre, la Bonne Dame gisait dans une mare de sang, vêtements déchirés, visage lacéré. Elle était morte! Aenys revint au village en hurlant. Tout d'abord, on refusa de la croire, puis trois paysans se décidèrent à aller voir. Malgré les conseils de son père, Aenys les accompagna. Elle avait adoré la Bonne Dame, et contre ceux qui avaient accompli un tel crime, elle était maintenant blême de rage et de colère.

Le groupe s'approcha de la chaumière avec prudence. Ca et là on pouvait distinguer des empreintes de bottes sur le sol. Et le malheur frappa à nouveau. Trois zombies apparurent de derrière la maison, les armes à la main. Ils avançaient sans précipitation, sans autre expression sur leur visage glacé qu'une détermination mortelle. Deux des paysans en restèrent figés de saisissement. Le troisième, le plus jeune, un dénommé Jorgi, eut le réflexe de plonger dans le sous-bois. Quant à Aenys, elle poussa un cri de haine et se jeta sur les zombies. Un coup sur la tête la jeta à terre, où elle ne bougea plus, assommée. Les deux autres hésitèrent entre fuir et lui porter secours : cette indécision leur coûta la vie.
Tel fut le témoignage de Jorgi lorsque il revint au village, tout seul. Je n'oublierai jamais leur visage, murmura-t-il en tremblant. Mais pourquoi ont-ils fait cela ? La Bonne Dame était si gentille.
Ce n'est que le lendemain qu'un second groupe de paysans plus nombreux et mieux armés retourna à la chaumière. En chemin, ils croisèrent Aenys, qui revenait en titubant. Elle n'avait été que légèrement blessée et comme elle faisait la morte, les zombies s'étaient désintéressé d'elle. Les deux autres, malheureusement, étaient bel et bien morts. L'examen de la chaumière n'apporta rien de nouveau. Sauf que la trappe de la cave était ouverte, il y avait des traces de sang sur l'escalier de bois. En bas régnait le même désordre qu'en haut, tout était sans dessus dessous, mais aucun corps de la Bonne Dame.
Les paysans ne s'y attardèrent pas, car les lieux leurs inspiraient une crainte superstitieuse. Par contre, ils découvrirent de nouvelles traces de pas qui s'enfonçaient dans le sous-bois. Là les corps des deux paysans gisaient à moitié déchiqueté, ils furent ramenés au village pour y être inhumés. Tout le village était en émoi, la colère et la peur se mêlaient, quand une bonne douzaine de villageois courageux se constituèrent partisants pour organiser une grande battue dans la région.

En réalité, la Bonne Dame n'était pas si bonne que ça; et pour tout dire elle était même carrément mauvaise. C'était une sorcière vouée à ses rituels. D'abord voyageuse errante, elle avait finalement jeté son dévolu sur Champegris et la région. Comme bon nombre de sorcières démoniaques, elle rêvait d'une domination absolue, mais elle était prudente. Plutôt que tout gâcher par un envoûtement hâtif, elle tissait patiemment sa toile au fond de sa retraite en amadouant ses visiteurs.
Sous couvert de bonne guérisseuse, d'une amie bienvaillante toujours présente, il ne lui était pas difficile de collectionner des reliques de chaque villageois et leur jetait des sorts. L'un après l'autre, elle les envoûtait corps et âmes. Quand ils seraient tous possédés, elle commencerait le rituel du diable, et quand le village serait entièrement à son service, elle irait conquérir le village suivant, et ainsi de suite jusqu'à posséder le monde. Tel était son souhait, dominer la terre et asservir ses sujets au nom de Satan.

Un jour, un voyageur perdu aperçut sa chaumière et lui demanda l'hospitalité. La sorcière le reçu sans idées préconçues, mais lorsque il lui avoua que, venant du Sud, il ne connaissait pas l'existence de Champegris, elle se dit alors que sa disparition ne risquerait pas d'être signalée. Et comme elle avait besoin d'un garde du corps, elle décida d'en faire sa chose, elle l'endormit, le tua, et lui jeta un sort pour que son cadavre s'anime en zombie.
Trois ans plus tard, un visiteur eu droit au même sortilège, et l'horreur se répéta encore une fois. Les deux zombies demeuraient dans la cave de sa chaumière, et les villageois n'en avaient évidemment aucune connaissance. Puis vint un troisième voyageur, et le même scénario se reproduisit. Hélas, en animant le dernier cadavre, la sorcière fit une grave erreur de sortilège qu'elle ne put rattraper. Le zombie devint enragé, il se retourna contre sa créatrice et l'attaqua.

Elle réussit à s'échappé par un sortilège, mais gravement blessée, la sorcière remonta avec peine le vieil escalier en bois. Soudain elle fut rattrapée avant même d'avoir pu refermer la porte. Le zombie la projeta dans la chambre et s'acharna sur elle jusqu'à son dernier souffle et la dévora. En mourant, elle concrétisa ce qui avait toujours été l'essence même de son être, une entité de haine. Par ailleurs, sa mort libéra les deux autres zombies qui devinrent sauvages également. Après avoir quelque peu renversé les meubles, ils finirent par trouver la porte et partirent dans les sous-bois. On devine malheureusement la suite.
Aenys a été possédée par l'entité de haine lorsque elle s'est penchée sur le cadavre de la Bonne Dame et l'âme de cette denière a pris possession de son corps. Comme cette entité est immortelle et poursuit son chemin dans le but de régner sur la terre pour dominer les humains, elle choisit toujours auparavant l'enveloppe corporel qui abritera son âme.
Serez-vous le prochain ?
Fin