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Légende : Frissons
18/10/2007 00:11
Frissons
Laissez-moi vous conter ce soir funèbre où ma vie a basculé, ce soir où j'ai bien cru que j'allais mourir, ce soir où j'ai perdu la raison : c'était un soir de printemps, j'avais alors 14 ans.
A cette époque, ma grand-mère maternelle n'allait pas bien du tout. Elle était à l'hôpital depuis déjà deux ou trois semaines, j'étais allé la voir quelques fois avec mes parents, mais elle ne me paraissait pas vraiment bien aller, et je ne pouvais m'empêcher de me dire qu'elle ne rentrerait plus chez elle. Et puis aussi ce jour-là il avait fait beau, et je me sentais bien, ainsi, lorsque mes parents m'ont proposé d'aller la voir, avec eux, en cette fin d'après-midi, j'ai refusé.
Mon père a alors suggéré d'aller au restaurant pour se détendre après la visite à l'hôpital, l'idée tentait ma mère, mais moi je voulais rester à la maison. Alors sans attendre je leur ai dit que je pouvais bien passer la soirée tout seul. Ils m'ont alors proposé d'inviter des copains si je le voulais, et je ne me suis pas fait prier pour accepter ! C'est ainsi que je me suis retrouvé ce soir-là avec Arnaud et David : deux amis avec qui je passais la majeure partie de mon temps depuis le début du collège.
Nous nous trouvions dans ma chambre à écouter de la musique. Sans explications, Arnaud baissa le volume. David et moi le regardions, intrigués, puis finalement d'un air amusé il nous demanda : - Dites, ça ne vous dirait pas qu'on se raconte quelques histoires qui font peur, hein ? Ca pourrait être sympa, non ?
J'hésitais quelques peu, surpris par cette proposition. Finalement David accepta, et je le suivis. Alors Arnaud tout en coupant la musique, nous demanda : - Alors ! qui commence ?
Tout d'abord, aucun de nous ne répondit. Moi j'avais bien une idée d'histoire, mais je n'osais pas trop la raconter... Et mon dieu ! J'aurais vraiment bien fait de me taire ce soir-là, mais je ne l'ai pas fait : En effet, timidement je finis par répondre : - Heu... moi, à la limite... j'en ai bien une. - Ah ? - Ouais mais heu... je sais pas si elle va bien rendre.. je... - Bah allez, te fait pas prier, vas-y !
Et je l'ai fait, malheureusement, je l'ai fait : Je me suis assis en tailleur sur le lit, et pendant que d'un air grave je fixais alternativement Arnaud et David, ils se sont assis autour de moi, au bord du matelas. J'ai laissé passer quelques secondes afin de rendre l'atmosphère encore un peu plus lourde, puis j'ai entamé mon récit :
« C'est une histoire assez terrible dont j'ai entendu parler une fois. Cela se passait il y a quelques années : Un père de famille rentrait chez lui après le travail, il trouva sa maison en train de brûler. Il habitait à la campagne, et il n'y avait pas de voisins pour alerter les pompiers. Il pensa tout de suite à son fils de sept ans qui était peut-être dans la maison, il se précipita alors à l'intérieur, cria pour l'appeler, et il eut une réponse !
Son fils était bloqué dans sa chambre, le père couru jusqu'à la porte, essaya de l'ouvrir, mais elle restait bloquée : Dans la chambre, une poutre tombée du plafond l'empêchait de s'ouvrir. Il cogna, et cogna encore de toutes ses forces contre la porte, il se ruait contre elle, son fils hurlait, il appelait à l'aide, et lui, il paniquait : la porte ne s'ouvrait pas.
Il se rua encore contre elle, il hurlait de rage, pleurait de désespoir, il ne réfléchissait plus, il n'y avait plus que cette porte, et son fils qui hurlait de l'autre côté. Il a appelé à l'aide jusqu'à la fin : Son fils à brûlé dans la maison, et le père aussi. Il n'a jamais réussi à ouvrir la porte, et il est resté à se ruer contre elle jusqu'à sa mort. »
Arnaud me regarda l'air dégoûté, et me dit : - Ben dit donc, c'est glauque ! - C'est pas joyeux en effet, répondit David avant que je ne réagisse. Il avait aussi l'air assez choqué par l'histoire. C'est alors que, emporté par ce succès, j'ai raconté la suite. J'ai été stupide, elle me faisait aussi peur qu'à eux cette histoire, surtout la suite, et j'ai vraiment été idiot d'avoir continué, je n'aurais jamais dû, jamais.
« Oui, mais vous ne connaissez pas la suite... Parce que depuis lors, le fantôme du père cherche toujours à ouvrir la porte et à sauver son fils. Et si tu dis... heu... je ne préfère pas le dire vraiment... Mais en gros si tu appeles à l'aide en criant « papa », que tu dis que tout brûle, et que tu lui demandes de venir te chercher, cela attire le fantôme, et il arrive derrière ta porte pour te prendre »
David, pensif, me regarda l'air intrigué, et calmement me dit : - Purée ça fout les boules, c'est sûr... Mais bon toi, tu as déjà essayé de l'appeler ? - Non... ça me fait assez peur comme ça ! Je n'ai pas envie d'aller vérifier. » Arnaud, une lueur d'excitation dans le regard, observa David, puis moi, et finalement nous demanda : - Hé ! ça vous dirait d'essayer ?
Je me crispai, comprenant que je n'avais pas du tout envie d'essayer une chose pareille, je regrettai déjà d'en avoir parlé. Mais David, lui, semblait y réfléchir, et au bout de quelques secondes il finit par lever la tête et dire « ouais ! Pourquoi pas ! ».
J'allais leur dire que je ne souhaitais pas du tout faire une telle chose, mais Arnaud n'attendit pas que je manifeste mon opinion : Sans me porter le moindre regard, il commença à parler d'une voix aiguë et chevrotante, cherchant à imiter celle d'un petit garçon : - Papa ! ppaaappppaa, à l'aaaaiiiiiide, tooouuut brrrûûûûle autour de moi, j'ai peeeeeuuurrr !
Il souriait, mais moi pas du tout : j'étais vraiment terrifié. Mais lui il souriait, et David le regardait avec amusement, sans rien dire. Et il reprit encore de plus belle, sa voix était maintenant plus forte, il criait presque : - Jejeeeeeee brrrrruuuuuullllle, ppaaaaappppa, jeeee brrrruuuullleee , Ahhhhhhhhhh !
- Arrète maintenant Arnaud ! Ce n'est pas drôle. C'était sorti comme ça, je le fusillais du regard, je me sentais énervé, mais j'étais surtout terrorisé, j'avais vraiment peur, et je ne voulais pas en entendre plus. - Ben... quoi ? T'as peur ? Oh, allez c'est pas grand-chose, non ? C'est une histoire ! c'est tout ! Allez... Et toujours ce stupide sourire aux lèvres il reprit :
- paappaaaaa, Jeeee t'ennnnnnnn suuuuppplieee ppaapppaaaaa , Il y a le feueueu parrrttton ! - Tu ! ... Arrètes! ... Maintenant ! ... Compris ? » Là il s'était tu, il n'y avait plus un bruit dans la chambre, Arnaud me regardait, l'air étonné, sûrement qu'il avait été surpris par l'agressivité et la colère que je venais de déployer pour lui crier de s'arrêter : J'en étais d'ailleurs essoufflé, et je le fixais du regard le plus réprobateur et colérique que je pouvais.
On ne parlait plus, Arnaud et moi restions là, immobiles, à se fixer mutuellement. Finalement, David, tout timidement, finit par dire : - Bon, allez les gars, on ne va pas se disputer pour ça, hein les... « BOUM ! ... BOUM ! ... BOUM ! ... »
Nous avons sursauté tous les trois, une décharge d'adrénaline m'a envahi. Je me suis braqué ainsi que mes deux amis vers la source du bruit : vers la porte de ma chambre. Le bruit continuait, impassible et terrifiant : « ... BOUM ! ... BOUM ! ... BOUM ! ... »
- C'est quoi ce boucan ! s'écria Arnaud dont la voix couvrait à peine le bruit de coups de plus en plus fort qui provenait de la porte. - Si c'est une blague, c'est vraiment pas drôle, rétorqua David qui se tenait maintenant debout, plaqué contre le mur opposé à la porte. Il semblait mort de peur, il fallait dire que moi aussi je l'étais.
Et puis là, en prime des coups contre la porte, ont commencé les cris, ces horribles cris qui malheureusement resteront je crois bien à jamais gravés dans ma mémoire. Je peux les entendre encore aujourd'hui alors que je vous parle : Cela ressemblait à un monstrueux mélange entre le brame d'un cerf et le cri d'un éléphant, même si cette description ne me semble pas si proche de la réalité, je ne trouve pas trop de comparatifs pour l'exprimer.
Ce cri était en tout cas inhumain, aigu et profond, d'une tristesse infinie et d'une agressivité sans nom... Et les coups contre la porte, et ce cri horrible, continuaient, sans relâche, sans la moindre trêve. J'étais terrorisé, je m'étais rabattu vers les oreillers du lit, et je les serrais d'ailleurs très fort. Arnaud lui, plus valeureux, même s'il n'avait pas l'air très fier, avait saisi ma chaise de bureau, et la brandissait, prêt à frapper ce qui pourrait entrer dans la chambre.
Mais ce fut David qui paniqua le plus, les cris immondes avaient dû finir de ronger les dernières subsistances du courage qui l'empêchait de s'écrouler : Il était maintenant assis contre le mur, recroquevillé sur lui-même, son visage était tout rouge, il pleurait, il gémissait, mais entre ses larmes il finit par parler un peu : - ooohhhhh noooonnn, c'est quoi ce truc, j'ai peeeuuur, à l'aide, à l'aaaiiiide.
Immédiatement, comme pour répondre aux geignements de David, le cri se fit encore plus fort, encore plus déchirant, encore plus terrifiant. Cette fois-ci les coups redoublèrent contre la porte, elle était parcourue de soubresaut, mais bizarrement ou plutôt monstrueusement, elle restait fermée, et ne se brisait pas. Puis la panique finit d'envahir David, il se leva, ouvrit la fenêtre, et tout en pleurant nous dit : - J'veux pas rester là moi, j'préfère tenter ma chance par dehors.
- Non, fais pas... Mais j'eus à peine le temps de réagir, qu'il était déjà en train de se laisser glisser par l'encadrement de la fenêtre. Et le temps de me lever du lit pour aller le retenir, je l'entendais déjà glisser sur les ardoises du toit puis, je ne l'entendis plus. Son silence m'a semblé durer très longtemps, et ce fut son cri, déchirant, qui me renvoya à la réalité : « Aahhh, j'ai maaall ! je suis tombbéééée ! Moonn doooos, Ahhhhh ! J'ai maaaallll ! »
Et là l'horreur fut totale : A travers l'encadrement de la fenêtre, je regardais David, qui hurlait, gisant sur la terrasse du jardin, en bas. Et les cris émis par ce qui était derrière la porte devinrent complètement fous et assourdissants. Les coups portés devenaient plus fréquents, à un rythme monstrueux, insoutenable : Je devenais fou, tout cela était un cauchemar implacable, terrifiant, et les cris de David qui agonisait en bas ne faisaient qu'ajouter à l'horreur de la situation. Surtout que ni Arnaud ni moi ne pouvions sortir de la chambre pour lui venir en aide.
Et l'odeur ! Je ne m'en étais pas rendu compte au début, mais maintenant l'air de la chambre en devenait suffocant tellement la puanteur était atroce. Une odeur de viande pourrie, mêlée à celle de cochon brûlé : et mon dieu c'était insoutenable, abominable. Je me suis détourné de la fenêtre : je vis Arnaud qui restait immobile, debout, sa chaise dans les mains, les yeux écarquillés, il avait l'air ailleurs.
Je me demandais comment il faisait pour rester en plein milieu de la pièce, alors qu'elle baignait dans cette puanteur. C'est alors que sans bouger plus que la main, il finit par lâcher sa chaise, puis un soubresaut le parcouru, il se courba en deux, et vomis abondement sur la moquette. La vision que j'avais devant moi d'Arnaud vomissant, le son que cela produisit, ainsi que l'odeur qui se mêlait à celle immonde de viande pourrie et brûlée, en était trop pour moi aussi, et je vomis à mon tour.
Je me sentais fatigué, je m'appuyai dos au mur, David continuait d'hurler au dehors, et les coups sur la porte n'arrêtaient plus, ils avaient encore redoublé. J'eus alors l'idée que les cris de David au dehors pouvaient stimuler la source de tout cela, et sans réfléchir d'avantage, je me retournai vers la fenêtre et la refermai avec empressement. J'eus du mal à expliquer à Arnaud pourquoi j'avais fermé la fenêtre, pourquoi on allait pas aider David.
Mais il fallait arrêter de faire du bruit, des geignements, des plaintes qui pouvaient attirer ce qu'il y avait derrière la porte. Il fallait attendre qu'il s'en aille, avant de descendre au rez-de-chaussée appeler quelqu'un au téléphone pour venir en aide à David. Arnaud finit par comprendre, et nous nous sommes calmement assis, terrifiés malgré tout par cette ambiance cataclysmique de coups ininterrompus contre la porte, par ce cri immonde qui nous perçait les tympans, et par cette odeur insoutenable qui se mélangeait maintenant à l'odeur de nos vomissures.
Et nous avons attendu que tout cela s'arrête, nous étions assis en tailleur, à même le sol, sans bouger, pales et terrifiés. Progressivement les cris se sont calmés, l'odeur s'est atténuée, et les coups contre la porte ont baissé en fréquence et en intensité' jusqu'à ce que le silence revienne enfin, et que nous pouvions de nouveau entendre, étouffés à travers la fenêtre fermée, les cris de douleur de David qui gisait toujours au dehors.
Arnaud me regarda alors, et à voix basse me demanda : - A ton avis maintenant, qu'est ce qu'on fait ? Je réfléchis un peu avant de répondre, puis dit : - Il faudrait téléphoner aux pompiers, ou je sais pas, à une ambulance ! Pour venir en aide à David. - Il est où le téleph... - Le téléphone est en bas ! - Tu penses que c'est parti ?
- Ben, on ne l'entend plus... - C'est vrai... - Va falloir descendre en bas... Heu... j'ai pas trop envie.. de... de.. sortir. Je... - Bon, je vais y aller... De toute façon, il est plus là, hein ? - Heu... t'es sûr ? - Mais oui.
Arnaud se leva alors lentement. D'un pas hésitant, il s'avança jusqu'à la porte. Saisis doucement la poignée, et poussa légèrement la porte qui s'entrebâilla sur le couloir. L'air amusé il se retourna vers moi, et dit à haute voix: - C'est dingue, la porte était ouverte, il est con ce fan...
Mais il n'eut pas le temps de finir sa phrase que comme un éclair, une main surgit de l'encadrement de la porte entrebâillée, se rallongea d'une manière monstrueuse et vint agripper Arnaud à la taille : Celui-ci restait pétrifié, sans même crier, les yeux écarquillés. A première vue, la main, et le bras m'avaient semblé de couleur noire, mais à cause des petites brillances, de ces sortes d'écailles que je discernais dessus, j'eus l'horreur de deviner que toute la peau de ce « bras » qui s'enroulait maintenant autour de la taille d'Arnaud était entièrement brûlée. D'ailleurs l'odeur de porc brûlé et de viande pourrie revint m'assaillir les narines.
Je n'eus que le temps de me lever avant de voir Arnaud disparaître sous mes yeux, emporté dans le couloir à une vitesse impossible, puis la porte se referma dans un claquement assourdissant. Je courus jusqu'à la porte, mais je ne voulus pas y toucher, je ne voulais pas l'ouvrir. Je criai alors le nom d'Arnaud, j'ai bien dû rester là pendant une éternité à crier son nom, mais rien, aucune réponse.
Et je n'avais pas osé ouvrir la porte : j'avais peur que cela soit encore derrière. Toujours comme aujourd'hui d'ailleurs : En effet, même maintenant j'ai encore la peur d'ouvrir une porte, mes parents m'ont amené chez le psychiatre après ce soir-là, mais je ne lui ai jamais rien dit, ni à personne d'ailleurs, pas même à mes parents. De toute façon, ils ne me croiraient pas.
Personne ne revit jamais Arnaud, on m'a demandé si je l'avais vu ce soir-là, mais j'ai dit que non, et David en fit de même... : Lui, il passa un mois à l'hôpital, il s'était cassé le coccyx en tombant du toit... Et aussi bien lui que moi sommes maintenant toujours terrifiés quand nous nous retrouvons face à une porte fermée : Nous avons toujours peur qu'un jour cela vienne nous chercher à notre tour, nous n'osons plus ouvrir la moindre porte de peur qu'il soit de l'autre côté. Oui, nous avons et aurons maintenant toujours peur de ce qu'il peut y avoir... y avoir derrière la porte.
Et vous ? Oseriez-vous crier " A l'aide papa" ?
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Histoire de revenants
18/10/2007 00:12
Les revenants
Les histoires de fantômes, de spectres et de revenants ne datent pas d'hier. Depuis aussi longtemps que la mémoire des hommes puisse se souvenir, les histoires d'apparitions d'esprits des gens morts sont rencontrés dans chaque coin du monde et les meilleures histoires de fantômes et de maisons hantées. Plusieurs relatent même des apparitions de fantômes d'animaux. Le plus grand mystère de la vie étant sans nul doute la mort, les appartitions d'outre-tombes resterons sujets d'actualités encore bien longtemps. Cette section vous permet de découvrir certains cas d'apparitions et d'histoires de fantômes devenues populaires.

Histoire de revenants
Autrefois les revenants abondaient dans le pays ; du moins tout le monde prétendait en avoir vu. Il y en avait des blancs, des rouges, des noirs et de toutes les couleurs. Des revenants qu’on avait vus dans des maisons habitées ou désertes, le long du grand chemin, dans la plaine, sur la colline, sur la lisière des bois, dans les airs du temps ; des revenants par-ci par-là, et un peu partout.
Brrr... J’en tremble encore au souvenir de toutes ces histoires macabres qui avaient cours dans ces temps-là et que l’on se racontait surtout les soirs au coin de l’âtre. Les plus âgés même en étaient affectés, et quant aux enfants on les avait rendus tellement nerveux, qu’ils n’osaient plus mettre le nez à la porte de la maison, après le coucher du soleil.
Ces revenants se montraient le plus souvent revêtus d’un grand manteau ou drap blanc, qui leur enveloppait toute la figure, à l’exception de deux grands yeux flamboyants qui jetaient la terreur dans l’âme de tous ceux qu’ils regardaient.

C’était parfois, disait-on, des âmes du Purgatoire qui revenaient ainsi sur la terre pour demander des prières, afin d’être délivrées plus tôt de leurs souffrances, ou bien qui étaient obligées de venir expier leurs péchés dans les lieux mêmes où elles les avaient commis.
D’autre part, la légende voulait qu’il y eût des damnés, surtout ceux qui s’étaient perdus par les plaisirs de la danse, qui fussent obligés de s’assembler par temps dans certains lieux solitaires pour y danser des rondes macabres, aux sons d’un violon qui n’était autre qu’un squelette, sur lequel le démon râclait un ossement en guise d’archet.
Pour réduire les enfants à l’obéissance, on leur disait que s’ils ne faisaient pas leur devoir la grande dame blanche qu’on voyait sur la colline viendrait les chercher quelque bon jour. Ou bien que ce serait des Anglais qui, arrivant à la sourdine, leur couperaient les oreilles pour en faire de la boitte à poisson. Ou encore, que les sauvages qu’on voyait passer de temps à autre, les emporteraient dans leurs paniers pour les jeter dans la rivière.
Il va sans dire qu’avec ces menaces et toutes ces histoires de fantômes et de revenants, on avait fini par rendre la jeunesse d’alors on ne peut plus timide et des plus peureuses.
Ajoutez à cela que nous avions dans ces temps-là des conteurs de contes de profession, qui ne manquaient pas de renchérir sur toutes les histoires qui avaient cours dans le pays.
Espèce de troubadours ambulants, ils passaient les villages à certaines époques de l’année, surtout après l’achèvement des travaux d’automne, et ils étaient bien reçus partout chez nos habitants, qui leur donnaient le gîte et pension pour le plaisir de les entendre raconter leurs récits merveilleux.
A part la pension ils ne manquaient pas de faire une bonne provision de menue monnaie qu’on leur donnait toujours en forme de quête après la veillée.

L’arrivée de l’un de ces conteurs de contes dans un village était tout un événement. La jeunesse en foule allait à sa rencontre pour le conduire jusqu’à sa maison de pension.
– Batiste, où allez-vous loger ce soir ?
– Chez Pierre à p’tit Jean, mes enfants !
– Avez-vous des contes nouveaux, cette année ?...
– Oui, oui, mes enfants, des nouveaux et des beaux.
– Comment les appelez-vous ?
– Eh bien, c’est le conte de la « Lampe merveilleuse », celui du « Grand Géant », « Les Bottes de sept lieues » et bien d’autres.
– Allez-vous commencer à les conter ce soir ?
– Oui, oui, mes enfants, ce soir. Venez tous et
n’oubliez pas de m’apporter des sous.
Une certaine année ce Batiste, le plus célèbre des conteurs de ces temps-là, était venu établir son domicile à la demeure paternelle.

Le premier soir de son arrivée, la maison se trouvait littéralement bondée des gens du village qui étaient venus écouter notre célèbre conteur.
Aussi je dois dire que Batiste se surpassa pour ainsi dire en cette occasion, faisant passer ses auditeurs par toutes les péripéties des drames les plus émouvants pour les faire rire ensuite à gorge déployée par le récit d’aventures drôles et piquantes.
Enfin la soirée se termina par une histoire de revenants à faire dresser les cheveux sur la tête, histoire qui ne manqua pas de jeter l’effroi dans l’âme de plus d’un auditeur et de faire pâlir plus d’un visage.
Dans l’auditoire se trouvaient deux frères du nom de Boudreau, Pierre et Dominique, deux sceptiques si jamais il en fut et qui étaient bien loin d’ajouter foi à toutes ces histoires de revenants et aux racontages du bonhomme Batiste. De plus c’étaient deux fiers gaillards, de vrais Hercule qui n’avaient pas froid aux yeux comme on disait dans le pays.

À un moment de la veillée, l’un d’eux, Pierre, disparut mystérieusement de l’assemblée sans que personne vint à s’apercevoir de son absence.
S’emparant d’un grand drap blanc dont il s’affubla, il alla se poster auprès d’une barrière par où les gens de la soirée devaient passer en s’en retournant chez eux.
Le premier ensuite à quitter la maison fut Dominique qui lui aussi n’avait pas remarqué l’absence de son frère.
Arrivé tout près de la barrière, voilà qu’il aperçoit un grand fantôme blanc qui se lève en plein dans son chemin et qui d’une voix des plus gutturale se met à proférer de sinistres Hou ! Hou ! Hou ! ! !
– Diantre, se dit Dominique, serait-ce bien vrai après tout qu’il y aurait des revenants ?...
– Hou ! Hou ! Hou ! ! ! répétait le fantôme.

– Tiens, se dit encore Dominique, si c’est là vraiment un revenant, il doit être Anglais, car il dit bien Who ! Who ! ! et j’ai bonne envie de lui faire son affaire à ce mécréant de revenant anglais.
– Tu veux savoir qui je suis, continua Dominique, eh ! bien, apprends, M. le fantôme, que je suis Dominique Boudreau, un honnête chrétien. De plus, fantôme ou vivant, je te conseille de me parler français si tu veux que je te comprenne.
Et Hou ! Hou ! Hou ! ! ! encore de la part du fantôme.
– Attends, je vais t’en donner des Who, Who, dit Dominique, et en deux bonds il était sur le faux
fantôme qu’il terrassait et qu’il assommait de coups de pieds et de poings.
– Arrête ! mais arrête donc, s’écriait le fantôme ! Arrête, ne me connais-tu pas, c’est moi, ton frère Pierre.
– Je n’ai point de frère parmi les fantômes, s’écriait Dominique, dont le sang s’était échauffé. Attrape ! pin, pan, pan ! Attrape toujours. Si tu n’es pas fantôme tout de bon, tu vas en devenir un maintenant. Et pin, pan, pan !... Attrappe !......
On dit que Pierre, en effet, reçut une telle volée qu’il en fut malade pour plusieurs jours, et qu’il perdit complètement, à partir de cette date, le goût et la fantaisie d’aller jouer au fantôme.
FIN
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Histoire : Derrière la porte ...
18/10/2007 00:25
Derrière la porte...
par Erwan Le Goffic
Laissez-moi vous conter ce soir funèbre où ma vie a basculé, ce soir où j'ai bien cru que j'allais mourir, ce soir où j'ai perdu la raison : c'était un soir de printemps, j'avais alors 14 ans.
A cette époque, ma grand-mère maternelle n'allait pas bien du tout. Elle était à l'hôpital depuis déjà deux ou trois semaines, j'étais allé la voir quelques fois avec mes parents, mais elle ne me paraissait pas vraiment bien aller, et je ne pouvais m'empêcher de me dire qu'elle ne rentrerait plus chez elle. Et puis aussi ce jour-là il avait fait beau, et je me sentais bien, ainsi, lorsque mes parents m'ont proposé d'aller la voir, avec eux, en cette fin d'après-midi, j'ai refusé. Mon père a alors suggéré d'aller au restaurant pour se détendre après la visite à l'hôpital, l'idée tentait ma mère, mais moi je voulais rester à la maison.

Alors sans attendre je leur ai dit que je pouvais bien passer la soirée tout seul. Ils m'ont alors proposé d'inviter des copains si je le voulais, et je ne me suis pas fait prier pour accepter ! C'est ainsi que je me suis retrouvé ce soir-là avec Arnaud et David : deux amis avec qui je passais la majeure partie de mon temps depuis le début du collège. Nous nous trouvions dans ma chambre à écouter de la musique. Sans explications, Arnaud baissa le volume. David et moi le regardions, intrigués, puis finalement d'un air amusé il nous demanda : - Dites, ça ne vous dirait pas qu'on se raconte quelques histoires qui font peur, hein ? Ca pourrait être sympa, non ?
J'hésitais quelques peu, surpris par cette proposition. Finalement David accepta, et je le suivis. Alors Arnaud tout en coupant la musique, nous demanda : - Alors ! qui commence ? Tout d'abord, aucun de nous ne répondit. Moi j'avais bien une idée d'histoire, mais je n'osais pas trop la raconter... Et mon dieu ! J'aurais vraiment bien fait de me taire ce soir-là, mais je ne l'ai pas fait : En effet, timidement je finis par répondre : - Heu... moi, à la limite... j'en ai bien une. - Ah ? - Ouais mais heu... je sais pas si elle va bien rendre.. je... - Bah allez, te fait pas prier, vas-y ! Et je l'ai fait, malheureusement, je l'ai fait : Je me suis assis en tailleur sur le lit, et pendant que d'un air grave je fixais alternativement Arnaud et David, ils se sont assis autour de moi, au bord du matelas.
J'ai laissé passer quelques secondes afin de rendre l'atmosphère encore un peu plus lourde, puis j'ai entamé mon récit : « C'est une histoire assez terrible dont j'ai entendu parler une fois. Cela se passait il y a quelques années : Un père de famille rentrait chez lui après le travail, il trouva sa maison en train de brûler. Il habitait à la campagne, et il n'y avait pas de voisins pour alerter les pompiers. Il pensa tout de suite à son fils de sept ans qui était peut-être dans la maison, il se précipita alors à l'intérieur, cria pour l'appeler, et il eut une réponse ! Son fils était bloqué dans sa chambre, le père couru jusqu'à la porte, essaya de l'ouvrir, mais elle restait bloquée : Dans la chambre, une poutre tombée du plafond l'empêchait de s'ouvrir. Il cogna, et cogna encore de toutes ses forces contre la porte, il se ruait contre elle, son fils hurlait, il appelait à l'aide, et lui, il paniquait : la porte ne s'ouvrait pas. Il se rua encore contre elle, il hurlait de rage, pleurait de désespoir, il ne réfléchissait plus, il n'y avait plus que cette porte, et son fils qui hurlait de l'autre côté. Il a appelé à l'aide jusqu'à la fin : Son fils à brûlé dans la maison, et le père aussi. Il n'a jamais réussi à ouvrir la porte, et il est resté à se ruer contre elle jusqu'à sa mort. »
Arnaud me regarda l'air dégoûté, et me dit : - Ben dit donc, c'est glauque ! - C'est pas joyeux en effet, répondit David avant que je ne réagisse. Il avait aussi l'air assez choqué par l'histoire. C'est alors que, emporté par ce succès, j'ai raconté la suite. J'ai été stupide, elle me faisait aussi peur qu'à eux cette histoire, surtout la suite, et j'ai vraiment été idiot d'avoir continué, je n'aurais jamais dû, jamais.
« Oui, mais vous ne connaissez pas la suite... Parce que depuis lors, le fantôme du père cherche toujours à ouvrir la porte et à sauver son fils. Et si tu dis... heu... je ne préfère pas le dire vraiment... Mais en gros si tu appeles à l'aide en criant « papa », que tu dis que tout brûle, et que tu lui demandes de venir te chercher, cela attire le fantôme, et il arrive derrière ta porte pour te prendre » David, pensif, me regarda l'air intrigué, et calmement me dit : - Purée ça fout les boules, c'est sûr... Mais bon toi, tu as déjà essayé de l'appeler ? - Non... ça me fait assez peur comme ça ! Je n'ai pas envie d'aller vérifier. » Arnaud, une lueur d'excitation dans le regard, observa David, puis moi, et finalement nous demanda : - Hé ! ça vous dirait d'essayer ? Je me crispai, comprenant que je n'avais pas du tout envie d'essayer une chose pareille, je regrettai déjà d'en avoir parlé. Mais David, lui, semblait y réfléchir, et au bout de quelques secondes il finit par lever la tête et dire « ouais ! Pourquoi pas ! ». J'allais leur dire que je ne souhaitais pas du tout faire une telle chose, mais Arnaud n'attendit pas que je manifeste mon opinion : Sans me porter le moindre regard, il commença à parler d'une voix aiguë et chevrotante, cherchant à imiter celle d'un petit garçon : - Papa ! ppaaappppaa, à l'aaaaiiiiiide, tooouuut brrrûûûûle autour de moi, j'ai peeeeeuuurrr ! Il souriait, mais moi pas du tout : j'étais vraiment terrifié. Mais lui il souriait, et David le regardait avec amusement, sans rien dire. Et il reprit encore de plus belle, sa voix était maintenant plus forte, il criait presque : - JJEEEEEE BRRRRRUUUUUUULLLE, PPPPAAAAPPPPPAAAAAA, JEEEE BRRRUUUULLLLEEE, AAAAAAAAHHHHHHHH ! - ARRETE MAINTENANT ARNAUD ! C'EST PAS DROLE. C'était sorti comme ça, je le fusillais du regard, je me sentais énervé, mais j'étais surtout terrorisé, j'avais vraiment peur, et je ne voulais pas en entendre plus. - Ben... quoi ? T'as peur ? Oh, allez c'est pas grand-chose, non ? C'est une histoire ! c'est tout ! Allez... Et toujours ce stupide sourire aux lèvres il reprit : - PAAAAAPPAAAAAA JEEEE T'EEEEENNN SSSUUUUPPPPLLLLLIIEEE, PAPAAAAAA, IL Y A LE FFEEEUU PAAARRRRTTT... - TU ! ... ARRETES ! ... MAINTENANT ! ... COMPRIS ? »
Là il s'était tu, il n'y avait plus un bruit dans la chambre, Arnaud me regardait, l'air étonné, sûrement qu'il avait été surpris par l'agressivité et la colère que je venais de déployer pour lui crier de s'arrêter : J'en étais d'ailleurs essoufflé, et je le fixais du regard le plus réprobateur et colérique que je pouvais. On ne parlait plus, Arnaud et moi restions là, immobiles, à se fixer mutuellement. Finalement, David, tout timidement, finit par dire : - Bon, allez les gars, on ne va pas se disputer pour ça, hein les...
« BOUM ! ... BOUM ! ... BOUM ! ... »
Nous avons sursauté tous les trois, une décharge d'adrénaline m'a envahi. Je me suis braqué ainsi que mes deux amis vers la source du bruit : vers la porte de ma chambre. Le bruit continuait, impassible et terrifiant :
« ... BOUM ! ... BOUM ! ... BOUM ! ... »
- C'est quoi ce boucan ! s'écria Arnaud dont la voix couvrait à peine le bruit de coups de plus en plus fort qui provenait de la porte. - Si c'est une blague, c'est vraiment pas drôle, rétorqua David qui se tenait maintenant debout, plaqué contre le mur opposé à la porte. Il semblait mort de peur, il fallait dire que moi aussi je l'étais.
Et puis là, en prime des coups contre la porte, ont commencé les cris, ces horribles cris qui malheureusement resteront je crois bien à jamais gravés dans ma mémoire. Je peux les entendre encore aujourd'hui alors que je vous parle : Cela ressemblait à un monstrueux mélange entre le brame d'un cerf et le cri d'un éléphant, même si cette description ne me semble pas si proche de la réalité, je ne trouve pas trop de comparatifs pour l'exprimer. Ce cri était en tout cas inhumain, aigu et profond, d'une tristesse infinie et d'une agressivité sans nom...
Et les coups contre la porte, et ce cri horrible, continuaient, sans relâche, sans la moindre trêve. J'étais terrorisé, je m'étais rabattu vers les oreillers du lit, et je les serrais d'ailleurs très fort. Arnaud lui, plus valeureux, même s'il n'avait pas l'air très fier, avait saisi ma chaise de bureau, et la brandissait, prêt à frapper ce qui pourrait entrer dans la chambre.
Mais ce fut David qui paniqua le plus, les cris immondes avaient dû finir de ronger les dernières subsistances du courage qui l'empêchait de s'écrouler : Il était maintenant assis contre le mur, recroquevillé sur lui-même, son visage était tout rouge, il pleurait, il gémissait, mais entre ses larmes il finit par parler un peu : - ooohhhhh noooonnn, c'est quoi ce truc, j'ai peeeuuur, à l'aide, à l'aaaiiiide. Immédiatement, comme pour répondre aux geignements de David, le cri se fit encore plus fort, encore plus déchirant, encore plus terrifiant. Cette fois-ci les coups redoublèrent contre la porte, elle était parcourue de soubresaut, mais bizarrement ou plutôt monstrueusement, elle restait fermée, et ne se brisait pas.
Puis la panique finit d'envahir David, il se leva, ouvrit la fenêtre, et tout en pleurant nous dit : - J'veux pas rester là moi, j'préfère tenter ma chance par dehors. - Non, fais pas... Mais j'eus à peine le temps de réagir, qu'il était déjà en train de se laisser glisser par l'encadrement de la fenêtre. Et le temps de me lever du lit pour aller le retenir, je l'entendais déjà glisser sur les ardoises du toit puis, je ne l'entendis plus. Son silence m'a semblé durer très longtemps, et ce fut son cri, déchirant, qui me renvoya à la réalité :
« AAAHH, J'AI MAAAL ! JE SUIS TOOOOMBEEEE ! MOOONN DOOOOS, AAAAAHHHH J'AI MAAAAAAL ! »
Et là l'horreur fut totale : A travers l'encadrement de la fenêtre, je regardais David, qui hurlait, gisant sur la terrasse du jardin, en bas. Et les cris émis par ce qui était derrière la porte devinrent complètement fous et assourdissants. Les coups portés devenaient plus fréquents, à un rythme monstrueux, insoutenable : Je devenais fou, tout cela était un cauchemar implacable, terrifiant, et les cris de David qui agonisait en bas ne faisaient qu'ajouter à l'horreur de la situation. Surtout que ni Arnaud ni moi ne pouvions sortir de la chambre pour lui venir en aide.

Et l'odeur ! Je ne m'en étais pas rendu compte au début, mais maintenant l'air de la chambre en devenait suffocant tellement la puanteur était atroce. Une odeur de viande pourrie, mêlée à celle de cochon brûlé : et mon dieu c'était insoutenable, abominable. Je me suis détourné de la fenêtre : je vis Arnaud qui restait immobile, debout, sa chaise dans les mains, les yeux écarquillés, il avait l'air ailleurs. Je me demandais comment il faisait pour rester en plein milieu de la pièce, alors qu'elle baignait dans cette puanteur. C'est alors que sans bouger plus que la main, il finit par lâcher sa chaise, puis un soubresaut le parcouru, il se courba en deux, et vomis abondement sur la moquette.
La vision que j'avais devant moi d'Arnaud vomissant, le son que cela produisit, ainsi que l'odeur qui se mêlait à celle immonde de viande pourrie et brûlée, en était trop pour moi aussi, et je vomis à mon tour. Je me sentais fatigué, je m'appuyai dos au mur, David continuait d'hurler au dehors, et les coups sur la porte n'arrêtaient plus, ils avaient encore redoublé. J'eus alors l'idée que les cris de David au dehors pouvaient stimuler la source de tout cela, et sans réfléchir d'avantage, je me retournai vers la fenêtre et la refermai avec empressement. J'eus du mal à expliquer à Arnaud pourquoi j'avais fermé la fenêtre, pourquoi on allait pas aider David.
Mais il fallait arrêter de faire du bruit, des geignements, des plaintes qui pouvaient attirer ce qu'il y avait derrière la porte. Il fallait attendre qu'il s'en aille, avant de descendre au rez-de-chaussée appeler quelqu'un au téléphone pour venir en aide à David. Arnaud finit par comprendre, et nous nous sommes calmement assis, terrifiés malgré tout par cette ambiance cataclysmique de coups ininterrompus contre la porte, par ce cri immonde qui nous perçait les tympans, et par cette odeur insoutenable qui se mélangeait maintenant à l'odeur de nos vomissures.
Et nous avons attendu que tout cela s'arrête, nous étions assis en tailleur, à même le sol, sans bouger, pales et terrifiés. Progressivement les cris se sont calmés, l'odeur s'est atténuée, et les coups contre la porte ont baissé en fréquence et en intensité' jusqu'à ce que le silence revienne enfin, et que nous pouvions de nouveau entendre, étouffés à travers la fenêtre fermée, les cris de douleur de David qui gisait toujours au dehors.
Arnaud me regarda alors, et à voix basse me demanda : - A ton avis maintenant, qu'est ce qu'on fait ? Je réfléchis un peu avant de répondre, puis dit : - Il faudrait téléphoner aux pompiers, ou je sais pas, à une ambulance ! Pour venir en aide à David. - Il est où le téleph... - Le téléphone est en bas ! - Tu penses que c'est parti ? - Ben, on ne l'entend plus... - C'est vrai... - Va falloir descendre en bas... Heu... j'ai pas trop envie.. de... de.. sortir. Je... - Bon, je vais y aller... De toute façon, il est plus là, hein ? - Heu... t'es sûr ? - Mais oui. Arnaud se leva alors lentement. D'un pas hésitant, il s'avança jusqu'à la porte. Saisis doucement la poignée, et poussa légèrement la porte qui s'entrebâilla sur le couloir. L'air amusé il se retourna vers moi, et dit à haute voix : - C'est dingue, la porte était ouverte, il est con ce fan...
Mais il n'eut pas le temps de finir sa phrase que comme un éclair, une main surgit de l'encadrement de la porte entrebâillée, se rallongea d'une manière monstrueuse et vint agripper Arnaud à la taille : Celui-ci restait pétrifié, sans même crier, les yeux écarquillés. A première vue, la main, et le bras m'avaient semblé de couleur noire, mais à cause des petites brillances, de ces sortes d'écailles que je discernais dessus, j'eus l'horreur de deviner que toute la peau de ce « bras » qui s'enroulait maintenant autour de la taille d'Arnaud était entièrement brûlée. D'ailleurs l'odeur de porc brûlé et de viande pourrie revint m'assaillir les narines.
Je n'eus que le temps de me lever avant de voir Arnaud disparaître sous mes yeux, emporté dans le couloir à une vitesse impossible, puis la porte se referma dans un claquement assourdissant. Je courus jusqu'à la porte, mais je ne voulus pas y toucher, je ne voulais pas l'ouvrir. Je criai alors le nom d'Arnaud, j'ai bien dû rester là pendant une éternité à crier son nom, mais rien, aucune réponse.
Et je n'avais pas osé ouvrir la porte : j'avais peur que cela soit encore derrière. Toujours comme aujourd'hui d'ailleurs : En effet, même maintenant j'ai encore la peur d'ouvrir une porte, mes parents m'ont amené chez le psychiatre après ce soir-là, mais je ne lui ai jamais rien dit, ni à personne d'ailleurs, pas même à mes parents. De toute façon, ils ne me croiraient pas.
Personne ne revit jamais Arnaud, on m'a demandé si je l'avais vu ce soir-là, mais j'ai dit que non, et David en fit de même... : Lui, il passa un mois à l'hôpital, il s'était cassé le coccyx en tombant du toit... Et aussi bien lui que moi sommes maintenant toujours terrifiés quand nous nous retrouvons face à une porte fermée : Nous avons toujours peur qu'un jour cela vienne nous chercher à notre tour, nous n'osons plus ouvrir la moindre porte de peur qu'il soit de l'autre côté. Oui, nous avons et aurons maintenant toujours peur de ce qu'il peut y avoir... y avoir derrière la porte.
FIN
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